Philippe Jahshan : « Il est encore temps de corriger la copie »

15/10/2018
Actualité
Philippe Jahshan, président du Mouvement associatif regrette « un budget à plat ». Le projet de loi de finance prévoit un budget à la vie associative à l’identique de celui de 2018, hormis l’augmentation prévisible du financement du service civique.

2018, est-t’elle l’annus horibilis pour les associations ?

Si on regarde les derniers chiffres de l’emploi ou les premiers résultats du Paysage associatif de Viviane Tchernonog, on constate un fléchissement de l’emploi en 2017 et une souffrance des associations employeuses dont le nombre diminue. Les associations locales et bénévoles sont en augmentation, mais les difficultés du secteur se confirment.

Et si l’on se fit au rapport Borello ou au rapport sénatorial sur l’impact budgétaire de la baisse des contrats aidés, on parle quand même de 1,3 milliards d’euros de financements indirects perdus pour le secteur. C’est donc massif. Et les 1,4 milliards d’euros de baisse de charge annoncés en 2019 ne serviront, en définitive qu’à compenser cette perte. Et encore ! Puisque, le gouvernement a reporté à octobre la baisse supplémentaire de 4 points de cotisations sociales pour les salariés au Smic. Autrement dit, 2019 risque, aussi, d’être une année difficile.

Dès l’ouverture du dialogue avec le gouvernement, engagé fin 2017 après l’épisode des emplois aidés, nous avions dit que s’il n’y avait pas de compensation de la part du gouvernement, nosu subirions la convergence de mesures négatives. Car 2018, c’est aussi l’année de la réforme de l’ISF dont on voit déjà les conséquences sur la baisse des dons et de la générosité du public (-6,5 % des montants collectés au première semestre, ndlr ).

Commen analysez-vous le projet de loi de finance 2019 ?

C’est un budget à plat pour l’instant avec la reconduction des chiffres 2018, sauf pour le service civique qui obtient 49 millions d’euros supplémentaire. C’était la trajectoire d’augmentation prévue et demandée et c’est tant mieux. Mais c’est bien le seul point positif. Il est encore temps de corriger la copie pour 2019, c’est impératif, et nous demandons des perspectives sur le quinquennat.

Quelles corrections souhaitez-vous ?

Sur la question des emplois, 100 000 plans emplois compétence (PEC) sont prévus dans le budget, soit deux fois moins que les  200 000 emplois aidés de 2018. En réalité, c’est beaucoup moins. Les PEC ne sont pas adaptés au deux tiers du monde associatif. C’est une politique d’insertion des personnes les plus éloignées de l’emploi et c’est très bien. Mais ça n’est pas une politique de soutien à l’emploi associatif dont nous avons besoin pour financer des emplois d’utilité sociale. Nous proposons donc que le projet de loi de finance prévoit l’engagement pour 38 000 emplois et absorber la baisse des emplois aidés.

Le Fonds de développement de la vie associative consacré à la formation des bénévoles (FDVA 1) stagne, lui aussi, à 8 millions d’euros. Il bénéficie à 1,3 % des bénévoles, ce qui est ridicule quand on sait que leur nombre ne cesse de croître. Aujourd’hui, nous demandons comme première étape de doubler les crédits du FDVA 1 en 2019 et de projeter une croissance du financement sur le quinquennat. L’abondement pourrait venir des fameux comptes inactifs qui sont le grand trou noir du budget de l’État. Si l’on sait qu’ils servent à l’État, on ne sait pas clairement comment ils sont fléchés. Qu’ils soient fléchés sur le développement de la vie associative !

Nous demandons aussi le doublement du FDVA 2 sur 2019 (25 millions d’euros en 2018), pour revenir au niveau qu’était celui de la réserve parlementaire. Si on regarde les chiffres de l’appel à projet 2018 en Auvergne Rhône-Alpes, il y a eu pour 18 millions d’euros de demande de financements, pour plus de 2800 projets. L’enveloppe était de 2,9 millions d’euros. Ca donne une idée des besoins sur le terrain.

La vitalité associative est là, et s’accompagne d’un investissement citoyen. Mais en face, les moyens publics d’appui et d’accompagnement ne suivent pas.

Le doublement du FDVA 2 est-il LA solution alors que l’on voit que la subvention devient secondaire dans les modèles économiques des associations ?

Ce n’est pas la seule solution et nous avons proposé dans notre rapport une batterie complète de mesures. La réalité encourage en effet une réforme des formes de soutien de la vie associative qui se diversifient. Mais pour cela il y a besoin d’accompagner le secteur. Or le gouvernement ne prévoit pas grand chose.

En ce qui concerne les financements privés, par exemple, nous proposons, dans le sens du débat qui agite aujourd’hui le mécénat de TPE-PME, de sortir du plafond de 10 000 euros de dons pour passer à un ratio de 0,5 % du chiffre d’affaires. Cela permettrait de libérer plus de moyens…

Vous avez émis l’idée de démontrer que si les bénévoles s’arrêtaient une seule journée, la France serait bloquée… C’est une perspective concrète pour mobiliser la France de l’engagement?

On peut regarder ça comme une boutade, mais c’est une piqure de rappel sur ce que représente ce bénévolat. La problématique associative se retrouve trop souvent dans les angles morts de nos politiques publiques sectorisées, alors que c’est une question transversale.

Quand on vous coupe un financement, la force de l’engagement permet, finalement, de se débrouiller et trouver les solutions. C’est une réalité pour beaucoup d’associations, mais cette réalité est épuisante. Il n’est pas possible de faire supporter toutes les contre mesures à cette volonté d’engagement.

Alors pourquoi ne pas réaliser cette idée un jour si nous ne sommes pas entendus? Je suis sûr que cela aurait de l’allure…

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