Poussé en avant par Benoît Hamon et sujet numéro un de la campagne de la primaire citoyenne, le revenu universel a été placé pour la première fois sous les projecteurs de l’actualité. Qu’en pensent les mouvements de l’ESS et notamment ceux impliqués sur les politiques jeunesse ou de lutte contre les exclusions pour lesquels l’idée est loin d’être une nouveauté ?
Entre satisfaction et circonspection… la médiatisation du revenu universel n’a pas le même impact sur l’électorat de la primaire citoyenne que dans les têtes de réseau de l’ESS. Bien sûr, le milieu a les joues qui rosissent en voyant que, pour une fois, c’est une proposition relative à la lutte contre la pauvreté qui prend le leadership sur une campagne électorale – même s’il ne s’agit que de la primaire citoyenne organisée par le Parti socialiste, pour le moment. Mais les avis sont relativement partagés concernant le fond de la mesure. Non pas qu’il y ait une réaction de défiance ou de crainte de récupération politique par celui qui la porte. C’est plutôt une réaction de retenue, face à cette entrée en politique tonitruante, alors que, du côté des réseaux de l’ESS, cela fait des années que le sujet fait débat : il ne faudrait pas tuer ce débat sur l’autel de la simplification et des raccourcis.
Pousser au débat de société
Cinq ans en arrière, lors du lancement de la plateforme Pour un Big Bang des politiques jeunesses par tout un ensemble de réseaux de l’éducation populaire, de la jeunesse, d’associations familiales, de lutte contre l’exclusion, le revenu universel était déjà un sujet. Mais après discussions, les signataires ont constaté l’absence de consensus sur la mesure. Aujourd’hui encore, au sein du Comité pour les relations Nationales et internationales des Associations de Jeunesse et d’Education Populaire (Cnajep), malgré de nouvelles auditions réalisées à l’automne 2016 avec les principaux promoteurs de la mesure, mais aussi des syndicats de salariés, aucune position officielle n’a été prise. « Nous restons perplexes car il reste des zones d’ombres quant au périmètre et au mode de financement d’un revenu universel », explique Audrey Baudeau, déléguée générale du Cnajep qui ne s’exprime pas tant sur la proposition Hamon que sur le concept tel que porté par le mouvement pour un revenu de base. Pour autant, « poser la question (dans la campagne) permet de poser des débats de fond. Par exemple, nous sommes convaincus, au sein de la plateforme pour un Big Bang des politiques jeunesse, que la réforme de la politique jeunesse doit passer par des réformes plus globales, sociales et économiques », ajoute-t-elle.
Parmi les réseaux qui se sont clairement exprimés sur la proposition, la Fédération des acteurs de la solidarité (ex-Fnars) est l’une de celle qui a tranché clairement : oui à la fusion des minimas sociaux en une seule allocation de 850 euros versée de manière inconditionnelle à tout personne de plus de 18 ans sans emploi. Mais ce « revenu minimum décent » n’est pas le revenu universel que propose Benoît Hamon et qui ne pose pas de condition d’emploi. Pour Louis Gallois, président de la Fnars, l’enjeu principal est celui de la simplification du dispositif, éviter le non-recours aux prestations et le montant de ce revenu minimum décent : « à 500 euros par mois, il n’y a que des perdants, à 850, il n’y a que des gagnants », estime-t-il. L’Udes, pose sur sa plateforme ESS2017, comme d’autres, la question du financement du revenu universel tout en saluant l’opportunité d’avancer vers une simplification et une automaticité du versement des minima sociaux.
Pourquoi la Fnars réfute l’idée d’un revenu universel ?
« Il y a un vrai risque de démentèlement de notre système de protection sociale », estime Florent Gueguen, le directeur général de la Fédération des acteurs de la solidarité, « car il faut réunir, l’ensemble des allocations chômage et familiales, une partie de notre système contributif et cela ce n’est pas acceptable. » L’autre critique est le risque d’individualisation de la protection sociale où, au-lieu de réguler la solidarité via les politiques publiques, on laisse chacun se débrouiller avec son pécule, au risque d’accentuer la dualité dans la société française entre société productive et non-productive. Auditionné lors de la préparation du rapport Sirugues sur la réforme des minimas sociaux, d’autres mouvements, tels que le Secours catholique ou le Secours populaire exprimaient en substance le même avis.
Benoît Hamon, qui a inscrit son nom dans l’histoire de l’ESS française avec la loi de 2014 se serait-il tiré une balle dans le pieds avec le secteur ? Sur le fond, on est loin du plébiscite. Mais il est fort probable que si d’aventure les minimas sociaux prenaient le chemin de cette simplification demandée par de nombreux acteurs de l’ESS, alors le secteur lui reconnaîtrait le mérite d’avoir pousser le sujet au rang des priorités nationales.