Olivia Grégoire a annoncé que plus d’un milliard d’euros du Plan de relance bénéficierait à l’ESS. Une reconnaissance saluée par les acteurs, même si beaucoup critiquent le plan de relance pour le manque de place fait à l’appui aux plus fragiles.
Y a-t-il déjà une patte Olivia Grégoire dans la politique ESS du gouvernement ? La nouvelle secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire et responsable multiplie les rencontres avec les acteurs et les déplacements depuis sa nomination. Elle est intervenue à différentes reprises et notamment aux Université d’Eté de l’économie de demain où sa franchise a été remarquée. Invitée à réagir aux proposition du Collectif #NousSommesDemain, elle répond clairement non à l’idée d’une TVA réduite sur les produits issus d’entreprise écologiques et solidaire, affiche sa circonspection à la création d’un Crédit impôt recherche pour l’innovation sociale mais affirme son engagement à faire avancer une conditionnalité des aides publiques sur la base de critères sociaux et écologiques.
Plan de relance
Une ministre est à la barre du navire donc, mais quid du plan de relance ? Arrivée fin juillet au gouvernement, Olivia Grégoire n’a eu que très peu de temps pour peser sur des arbitrages budgétaires qui étaient déjà très avancés. D’ici quelques semaines le projet de Loi de finance sera rendu public. La place faite à l’ESS dans ce budget permettra d’évaluer comment la secrétaire d’État a pris sa place à Bercy et comment elle s’est acclimaté à l’environnement de l’ESS.
Suite à la présentation des 100 milliards d’euros par Jean Castex, Olivia Grégoire a assuré son rôle en défendant le plan de relance dans les médias et notamment à RTL où elle a annoncé que plus de 1 milliard d’euros sur les 100 bénéficierait aux entreprises de l’ESS. Une annonce saluée par différents têtes de réseau dont la Chambre française de l’ESS, même si l’architecture globale du plan ne les satisfait pas totalement. ESS France regrette « que la recherche d’une hypothétique relance par la compétitivité l’emporte sur une stratégie durable de réorientation fondée sur la transition écologique et solidaire, en même temps que sur une recherche de plus grande souveraineté économique. » Même son de cloche au Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) qui tiquent sur les baisses d’impôts sur la production : « cette baisse ne doit pas être uniquement l’occasion de revaloriser la compétitivité des entreprises industrielles ; elle doit être l’opportunité, pour l’État, de les inciter à aller vers une compétitivité verte et sociale. »
Le dossier mesure d’impact social
L’engagement d’Olivia Grégoire à défendre l’écoconditionnalité des aides publiques au gouvernement apparaît dès lors comme un terrain de travail stratégique, que ce soit avec l’ESS ou l’économie responsable qui relève de ses fonctions. Sur ce point, la présentation de l’Impact Score, outil d’évaluation (social, écologique, gouvernance) du Collectif #NousSommesDemain lors des UEED a cristallisé de nombreux débats. Et le Mouves de rappeler, suite à la présentation du plan de relance : « la transparence des méthodes d’évaluation du plan sera assurément un enjeu critique de sa capacité à réellement assurer une transition sociale et écologique. »
590 millions pour l’inclusion
Faisons les comptes. Dans les 1,3 milliards d’euros devant bénéficier à l’ESS, 600 millions relèvent du volet insertion professionnel et emploi des jeunes :
- 200 millions destinés à soutenir le développement des structures de l’insertio par l’activité économique dans le droit fil du Pacte d’ambition IAE présenté il y a un an. Ces 200 millions correspondent aux fonds annoncés par Béatrice Klinkert, secrétaire d’Etat à l’insertion à la mi-août.
- 200 millions d’euros supplémentaires sont alloués au financement des Parcours emploi compétence (PEC)
- 190 millions d’euros serviront à renforcer le Service civique et les Missions locales.
Le soutien renforcé aux PEC, au Service civique soumet les associations à sa capacité à créer des postes pour ces jeunes qui auront du mal à trouver leur premier emploi. Le Mouvement associatif rappelle qu’il sera : « nécessaire que le renforcement des crédits prévus, s’accompagne d’une plus grande adaptation des modalités de mise en œuvre, si l’on veut en assurer le succès et la pérennité. »
Les banques publiques à la rescousse
Le secrétariat d’État évoque par ailleurs 100 millions d’euros pour les associations de lutte contre la pauvreté (notamment celles engagées sur l’aide alimentaire) et 30 millions destinés à appuyer les tiers-lieux qui luttent contre la fracture numérique en milieu rural.
A ce stade de l’énumération, notre compte est à 720 millions d’euros. Les quelques 600 millions d’euros restant proviennent d’un renforcement des outils financiers de la Caisse des dépôts et consignations et de BpiFrance :
- 300 millions d’euros (au lieu de 100 initialement) viendront de la Caisse des dépôts pour financer l’ESS.
- 100 millions d’euros seront mobilisable par BpiFrance pour l’ESS sur l’ensemble des fonds à engager sur les mesures de relance.
- 130 millions d’euros de prêts d’honneur pourront être distribués par Bpi France.
Olivia Grégoire, venue à la renconter d’acteurs de l’ESS en Normandie, le 4 septembre a déclaré selon Paris-Normandie : « Je vais avoir besoin de vous. Car à partir de janvier, il va falloir que je décaisse. Sans vous, je ne pourrais pas faire remonter les projets les plus pertinents, ceux les plus favorables à l’emploi. » Comme dans toute politique publique, il faut en effet que la rencontre se fasse entre le projet et le financement. De ce point de vue, estime ESS France : « Les annonces relatives au renforcement des moyens de développement de l’ESS, avec le soutien fort de la Caisse des Dépôts, doivent comprendre des outils ambitieux de soutien à la création et l’innovation, de renforcement des fonds propres, et de développement territorial. »
Accès aux aides
Au-delà de ces 1,3 milliards d’euros, le secrétariat d’État rappelle que le secteur médico-social (public, associatif, lucratif) doit bénéficier de 2,6 milliards d’euros sur les quelques 6 milliards du Ségur de la Santé. Et les entreprises de l’ESS dans l’économie circulaire seront soutenus sur le volet qui les concernent dans le plan de relance (800 millions d’euros). Les représentants de l’ESS ne manqueront pas de mettre sur la table de la ministre l’enjeu d’un égal accès à ces aides pour les entreprises de l’ESS au regard de ce qui a pu se passer, que ce soit dans le cadre du CICE ou des soutiens d’urgence durant le confinement.
Et la lutte contre la pauvreté ?
Enfin, l’enthousiasme retombe unanimement parmi les acteurs de l’ESS sur le volet lutte contre la pauvreté. « flécher 800 millions d’euros vers le soutien aux plus précaires sur un plan de relance de 100 milliards d’euros paraît extrêmement faible eu égard aux enjeux des mois qui arrivent », résume-t-on au Mouves. Le Collectif Alerte, qui regroupe 32 fédérations et associations de lutte contre la pauvreté, appelle aux mesures structurelles : « Le gouvernement a certes su proposer des solutions temporaires face à la crise, notamment concernant l’aide alimentaire, l’hébergement et des aides financières exceptionnelles pour les familles modestes et les jeunes étudiants sans ressources. Mais les associations de solidarité regrettent qu’aucune disposition de long terme visant à faire évoluer structurellement la situation des personnes précaires n’ait été prise depuis le début du quinquennat. » Le Collectif ouvre une porte de sortie au gouvernement : « Le collectif ALERTE a entendu la stratégie du gouvernement de faire de la lutte contre la précarité une « action constante » et attend de voir, comme annoncé, les traductions de cette volonté dans la loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale à venir. » Un texte qui relève d’abord du ministère de la Santé.