Alerte rouge sur les financements de l’ESS dans les collectivités

12/04/2016
Actualité
Les annonces de coupe budgétaire dans les politiques sociales des départements, mais aussi de régions se sont multipliées ces derniers mois. Elles mettent en péril le maintien de l’emploi, voire la survie de nombreuses structures de l’ESS qui s’inquiètent de la volonté de ces collectivités locales de se défausser de certaines de leurs obligations en pleine mise en œuvre de la réforme territoriale.

Le climat entre les structures de l’ESS et les collectivités locales se tend en plusieurs points du territoire en raison d’annonces de coupes budgétaire qui touchent au financement de ces structures impliquées dans l’action sociale, médico-sociale ou de l’insertion. Dernier épisode en date : le Conseil régional d’Ile-de-France a voté, le 7 avril, la fin du dispositif des Emplois tremplin d’insertion. Ce dispositif, créé il y a dix ans avait permis de créer 2578 sur la seule année 2015,postes dans des entreprises d’insertion pour des jeunes en difficulté et très peu qualifiés. Une mesure qui devrait générer 4 millions d’économie pour la Région au détriment «  de milliers de personnes en difficulté qui n’auront même plus cette possibilité de réinsertion, mais également des centaines de structures d’insertion qui risquent de fermer leurs portes », selon la Fnars, le Coorace et Emmaüs France. Lors du vote, la présidente de la Région, Valérie Pécresse a annoncé vouloir « augmenter l’accès du public en insertion à l’apprentissage », dans le cadre de la participation de la Région au Plan 500 000 formations annoncé par l’Elysée en début d’année.

Epidémie de coupe budgétaire dans les départements

Ces derniers mois de telles annonces se sont multipliées, principalement de la part des conseils départementaux. En Essonne, le Conseil départemental continue son bras de fer avec une douzaine de réseaux associatifs du social et médico-social réunis en Interfédérale qui contestent l’échelonnement sur cinq ans de la dette contractée auprès de centaines d’associations. Dans le Puy-de-Dôme, le Conseil départemental souhaite réduire d’un tiers le nombre de chantiers d’insertion aidé au titre du financement de l’accompagnement et de l’encadrement (61 ACI actuellement sur le département). Dans le Nord, le plan d’économie de 100 millions annoncé par le département présidé par M. Lecerf (LR) inflige une baisse de financement au secteur de l’insertion, de l’action sociale et la prise en charge du handicap. Dans le Bas-Rhin, l’hébergement d’urgence, devrait subir une baisse de 10 % des financements.

La baisse des financements publics n’est pas une nouveauté. Mais dans un contexte de fort renouvellement des exécutifs des collectivités locales sur fond de réforme territorial, chaque nouvelle annonce sonne comme un signal négatif pour la continuité des politiques sociales. Dans la plupart des cas de coupe budgétaire, les acteurs de l’ESS concernés ont été mis devant le fait accompli par la collectivité. Dans le Nord, par exemple, les associations ont découvert qu’elles perdraient 10 % de leur enveloppe lors de la présentation du projet de budget fin décembre. Depuis, les associations se sont mobilisées et, concernant le secteur du handicap, « nous sommes passés de -10 % à -4 % », explique Claude Hocquet, président de l’Udapéi du Nord : « Le Conseil départemental du Nord n’avait pas conscience de l’impact social de leur décision. Ils s’en rendent compte maintenant. » 200 postes devraient toutefois disparaître d’ici trois ans dans le handicap. Le président de l’Udapéi regrette l’injonction paradoxale contenue dans le discours du Département qui baisse les financements tout en appelant les associations à être innovant : « l’une de nos associations membres travaillait depuis 18 mois avec un bailleur social sur un projet qui devait créer de l’inclusion et de la mixité sociale. Avec la baisse de financement, ce projet tombe à l’eau. Nous subissons une vision à court terme. »

L’action sociale est-elle encore une priorité ?

Ces annonces brutales proviennent le plus souvent de collectivités dont l’exécutif a été renouvelé lors du dernier scrutin (Nord, Essonne, Ile de France notamment). Le vote du premier budget de la mandature est l’occasion, pour elles, d’afficher leurs priorités en faisant des économies sur les politiques qui ne le seraient pas. Et la fin de la clause de compétence générale instituée par la loi NOTR, accentue cette inclination de certaines collectivités à se défaire de missions au prétexte qu’elles ne font plus partie de leurs compétences obligatoires. En Moselle, par exemple, les structures d’insertion se sont émues lorsque le Conseil départemental a émis l’hypothèse de tirer un trait sur sa politique d’insertion au prétexte que depuis la réforme des aides au poste, début 2015, l’Etat avait repris la main. Or si les aides aux postes d’insertion sont effectivement le fait de l’Etat, en moyenne, 30 % des subventions des chantiers d’insertion proviennent des départements au titre du financement de la mission d’accompagnement et d’encadrement des salariés en insertion au titre du suivi des bénéficiaires du RSA.

« Dans l’insertion par l’activité économique (IAE), nous discutons avec l’Etat qui est compétent sur l’emploi, le Conseil départemental qui traite du volet insertion, tout particulièrement pour les bénéficiaires du RSA, mais aussi les Régions compétentes sur la formation professionnelle , résume Luis Semedo, délégué général de Chantier Ecole, réseau national des ateliers et chantiers d’insertion. Avec la réforme territoriale, il est impératif de généraliser les conférences de financeurs qui devaient justement être cet espace de coordination des politiques des différents financeurs publics. »

Peser sur la réorganisation des collectivités

Pour Guillaume Quercy, directeur de l’Uriopss Ile-de-France, la question à poser est « qui veut se saisir des politiques sociales aujourd’hui ? » Selon lui, « la réforme territoriale ne brille pas par sa clarté (…) et offre de la latitude aux collectivités qui cherchent à répondre à un électorat qui, dans un contexte de fortes tensions, est tenté de croire qu’on en fait trop sur les aides sociales. »

L’enjeu pour les associations ne serait donc pas uniquement de défendre leurs financements à court terme mais bien de peser sur la redistribution des cartes des politiques sociales entre les différents niveaux territoriaux. Lors du Congrès national de l’Uniopss, fin mars, une phrase est revenue comme un leitmotiv « les associations doivent réapprendre à dire non ». Patrick Doutreligne, son président a enfoncé le clou en déclarant « il faudra savoir dire non collectivement aux pratiques publiques illégales, comme celle intolérable du Conseil départemental de l’Essonne.» Un axiome mis en application par l’Interfédérale en Essonne qui est parvenue à rassembler 500 personnes le 7 avril devant l’Hôtel du département, une semaine avant la première rencontre formelle entre les représentants associatif et François Durovray, président du Conseil départemental (le 14 avril) depuis le début de la mobilisation. Pour Guillaume Quercy, « nous devons nous réapproprier tous les outils pour influencer le processus de décision politique afin de créer les conditions d’une véritable coconstruction des politiques publiques. »

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