[DECRYPTAGE] La transition Ă©cologique des organisations de lâESS est une prioritĂ© face Ă lâurgence climatique. Lâobstacle parait immense pour beaucoup, mais certaines se sont lancĂ©es. Autre signe encourageant : les fĂ©dĂ©rations et tĂȘtes de rĂ©seaux sont de plus en plus nombreuses Ă sâorganiser pour accompagner leurs membres dans la grande aventure de la transformation Ă©cologique de leur modĂšle.
Il est temps. Les associations, coopĂ©ratives, mutuelles, sociĂ©tĂ©s commerciales de lâESS, quelle que soit leur taille doivent se mettre Ă la page de lâenjeu climatique. Comme lâexplique Aurore MĂ©dieu, responsable du PĂŽle transition Ă©cologique dâESS France, «On est obligĂ© de se poser la question de comment on mĂšne nos activitĂ©s, au regard de la sociĂ©tĂ© qui nous entoure. Et se pencher sur sa transformation Ă©cologique interne, ça peut ĂȘtre une opportunitĂ© de marchĂ© pour l'organisation, par exemple dans le cadre des clauses environnementales qui se dĂ©veloppent dans les marchĂ©s publics.»
Lâenjeu est de taille et peut faire reculer plus dâune association dĂ©jĂ prĂ©occupĂ©e par la nĂ©cessitĂ© de diversifier de plus en plus ses ressources sous lâeffet de la baisse structurelle des financements publics. Les derniers chiffres Ă©tablissent Ă 41 % la baisse des subventions entre 2005 et 2020. Dâautant que lâeffort de rĂ©duction de ses propres Ă©missions peut paraĂźtre bien faible, si lâon se compare aux industries les plus polluantes.
Et pourtant lâimpact CO2, mĂȘme dans le mĂ©dico-social est rĂ©el. The Shift Project a Ă©valuĂ© sur lâannĂ©e 2022 lâempreinte carbone du secteur de lâautonomie en France, un secteur oĂč lâESS assure environ 50 % de lâactivitĂ© (90 % dans le handicap, 60 % dans lâaide Ă la personne, 30 % des Ehpad). Elle sâĂ©lĂšve Ă 10 Millions de tonnes de CO2 par an. Ce nâest que 1,5 % des Ă©missions françaises, mais câest Ă©quivalent aux Ă©missions de la production de ciments et bĂ©tons (10 millions de tonnes).
Bilan carbone ou pas ?
Pour rĂ©duire ses Ă©missions de gaz Ă effet de serre, il faut pouvoir se situer. Toutefois cette Ă©valuation ne sert que de point de dĂ©part pour agir. RĂ©aliser un bilan carbone ne doit donc ĂȘtre ni insurmontable (coĂ»t, compĂ©tencesâŠ) ni une fin en soi. « Le bilan carbone sert Ă disposer dâun indicateur chiffrĂ© et de savoir oĂč se localisent vos Ă©missions », rĂ©sume HervĂ© LefĂšbvre, chef du PĂŽle Trajectoire bas carbone Ă lâAdeme. « Il ne faut pas chercher l'excellence dĂšs le dĂ©but, d'autant qu'il ne s'agit pas de se comparer Ă un autre mais bien Ă soi-mĂȘme », rassure Lionel Fournier, directeur du DĂ©veloppement durable du Groupe VYV. De ce point de vue, Valoress, lâoutil dâĂ©valuation mis en place par lâUnion des employeurs de lâĂ©conomie sociale et solidaire (UDES) est une aide pour rĂ©aliser ses premiers pas dans lâĂ©valuation carbone.
Et la nĂ©cessitĂ© de disposer dâun bilan carbone risque de sâimposer progressivement avec lâobligation, pour les grandes entreprises ou administrations publiques, dâintĂ©grer dans leurs Ă©missions, celles Ă©mises sur toute leur chaĂźne de valeur : « Il y a un effet boule de neige, rĂ©sume HervĂ© LefĂšbvre. Les grands donneurs dâordres se retournent de plus en plus vers leurs fournisseurs pour connaĂźtre leur empreinte carbone. »
Les rĂ©seaux sây mettent
La bonne nouvelle est que le contexte sâamĂ©liore. A commencer par les fĂ©dĂ©rations et tĂȘtes de rĂ©seau de lâEconomie sociale et solidaire qui ont saisi ce temps de lâhistoire. A titre dâexemple, Le mouvement des Scop en a fait lâun de ses axes stratĂ©giques depuis son dernier congrĂšs en 2023 avec un objectif de connaissance plus fine de ses impacts et d'outillage (ce qui inclus l'enjeu du financement des Scop. La Fehap, elle, sâengage dans des plans ambitieux de rĂ©novation Ă©nergĂ©tique des Ă©tablissements et l'UNA, un des principaux rĂ©seaux de l'aide Ă domicile a intĂ©grĂ© la dĂ©carbonation du secteur dans son programme de modernisation... Tout comme HexopĂ©e, syndicat employeur de la branche Eclat : « l'exemplaritĂ© s'applique d'abord Ă nous, syndicat employeur, explique Anne-Claire Devoge, de HexopĂ©e. C'est pourquoi nous avons initiĂ© une dĂ©marche en notre sein pour que, ensuite, que nous puissions mobiliser nos adhĂ©rents. »
ESS France sâest aussi rĂ©solument engagĂ©e sur la transition Ă©cologique avec, entre autres, la coanimation dâun Centre de ressources DLA sur la transition Ă©cologique avec France nature environnement. Il doit servir Ă intĂ©grer la prĂ©occupation de la transformation Ă©cologique dans tout type dâaccompagnement financĂ© par le Dispositif local dâaccompagnement .
RĂ©interroger son objectif social
Jean-SĂ©bastien Tronchon de la coopĂ©rative ImmaTerra, accompagne des structures de tout type sur ce chemin de la transformation Ă©cologique. Câest de plus en plus souvent le point dâentrĂ©e des organisations qui nous contactent. Mais quoi quâil en soit, la question Ă se poser pour guider sa transformation câest « Ă quoi vous servez ? L'important c'est de rester amoureux de votre problĂ©matique associative ou d'utilitĂ© sociale et pas seulement de la solution que vous avez crĂ©Ă©e. Parce que le monde Ă©volue et ces solutions Ă©voluent, ainsi que les moyens Ă mettre en oeuvre. »
« Si nous avons pu embarquer les Ă©quipes Ă partir de 2019 dans notre Ă©valuation carbone, câest parce quâon l'a ramenĂ©e Ă l'activitĂ©, l'enjeu pour la santĂ© », confirme Lionel Fournier qui est aussi le directeur SantĂ© & Ecologies dâHarmonie Mutuelle.
Cette posture stratĂ©gique est le meilleur moyen dâabattre le mur que peut reprĂ©senter lâobjectif de neutralitĂ© carbone en donnant un sens « mĂ©tier » Ă la transformation Ă©cologique de lâorganisation. LâUdaf 34 est lâun de ces pionniers de la transformation Ă©cologique. Cette association qui agit sur lâensemble de lâHĂ©rault dans la protection de lâenfance ou encore lâaccompagnement de majeurs sous tutelle sâest lancĂ©e en 2010. « A partir du moment oĂč notre mĂ©tier est de protĂ©ger les personnes en situation de fragilitĂ©, il Ă©tait cohĂ©rent de se prĂ©occuper des gĂ©nĂ©rations futures », rĂ©sume Marc Pimpeterre, son directeur gĂ©nĂ©ral. Lâune des transformations a Ă©tĂ© de recrĂ©er de la proximitĂ© entre les professionnels et leurs bĂ©nĂ©ficiaires. « Nous avions deux antennes Ă SĂšte et BĂ©ziers et nous en avons crĂ©Ă© une troisiĂšme Ă LodĂšve. RĂ©sultat, prĂšs de la moitiĂ© des salariĂ©s vit Ă moins de 7 kilomĂštres de leur lieu de travail », se rĂ©jouit le directeur. Le rĂ©sultat est double, voire triple : les Ă©missions dues au dĂ©placement ont largement diminuĂ©, le service aux personnes est plus efficace et la qualitĂ© de vie au travail des salariĂ©s sâest amĂ©liorĂ©e.
La transformation Ă©cologique des organisations dĂ©passe dĂšs lors largement la comptabilitĂ© de ses Ă©missions de GES et les actions de rĂ©duction. Par contre elle leur donne un sens qui est un levier puissant pour lâaction car elle favorise lâappropriation de la dĂ©marche par lâensemble des parties prenantes et donc lâefficacitĂ© du projet de transformation.
NB : les citations de Hervé LefÚbvre, Anne-Claire Devoge et Lionel Fournier sont issues d'une conférence organisée par Harmonie mutuelle ESS lors du Forum national des associations 2023 intitulée " Comment et pourquoi faire son bilan carbone lorsqu'on est une association"