Ann Branch, cheffe d’unité à la Commission européenne : « Le potentiel des entreprises sociales reste largement sous-estimé »

23/01/2017
Actualité
Suite à la conférence européenne sur l’économie sociale de Bratislava fin 2016, Ann Branch, chargée de l’entrepreneuriat social en tant que cheffe de l’unité « Emploi » à la Direction Emploi, Affaires sociales et inclusion de la Commission européenne, répond aux questions du Fil Cides et présente les futures actions de la Commission en matière d’économie sociale.

 

 

Les 30 novembre et 1er décembre dernier a eu lieu la conférence européenne sur l’économie sociale à Bratislava. À cette occasion a été présenté le Rapport général 2016  du Groupe d’Experts de la Commission européenne sur l’Entrepreneuriat Social (GECES) exposant ses recommandations pour un meilleur développement de l’économie sociale en Europe.

Fil Cides : Au niveau européen, quels sont les leviers déjà existants à mobiliser pour répondre aux recommandations du GECES ?

Ann Branch : Dans le domaine de l’accès au financement, la Commission continuera de mettre en œuvre les instruments financiers qui visent à mettre à un pied d’égalité les entreprises sociales avec les entreprises « traditionnelles », reconnaissant le besoin de développer tout l’écosystème. Ainsi la « Garantie EaSI » met-elle à disposition 40 millions d’euros pour inciter les banques et d’autres acteurs financiers à octroyer des crédits aux entreprises sociales. La diminution de leur risque permettra de rendre disponible plus de 220 millions d’euros, ce qui démontre l’effet catalytique que peuvent avoir les fonds publics. Dans le cadre du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI), nos garanties pour la micro-finance et les entreprises sociales bénéficieront d’une contribution additionnelle de 100 millions d’euros, ce qui nous permettra en principe de doubler notre impact. De plus, l’EFSI permettra pour la première fois à la Commission et au Fonds européen d’investissement (FEI) de faciliter les investissements sous forme de participation en capital dans les entreprises sociales (150 millions d’euros) par trois instruments: des investissements via des incubateurs, des accélérateurs ou d’autres intermédiaires qui offrent des services d’incubation, des co investissements avec des business angels et des investissements dans le cadre de contrats d’impact social (ce dernier étant un pilote).

Et sur le plan financier ?

Afin de répondre au besoin de promouvoir le développement d’un écosystème financier adéquat pour les entreprises sociales, tel qu’identifié par le rapport du GECES, la Commission finance 20 nouveaux projets qui visent à développer des mécanismes ou instruments de financement d’entreprises sociales d’un côté ou des initiatives pour préparer des entreprises sociales aux investissements de l’autre. Une autre mesure importante est le label de l’UE pour le Fonds d’entreprenariat social (EUSEF). Il s’agit d’un outil de reconnaissance pour encourager l’établissement et le développement de fonds destinés à financer des entreprises sociales. Le règlement relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens fait actuellement l’objet d’une révision visant à renforcer son utilisation par les parties prenant.

Il existe aussi des actions favorisant le développement d’un environnement favorable plus large, y compris les aspects réglementaires, mais aussi les systèmes de soutien. Dans ce domaine, la Commission européenne et l’OCDE ont élaboré conjointement des documents d’orientation (Mesure de l’impact social, le changement d’échelle et la maximisation de l’impact) et organisé des séminaires pour renforcer des capacités des autorités nationales. Un recueil de bonnes pratiques a été élaboré et sera publié prochainement. Enfin, pour renforcer l’apprentissage mutuel entre les pays, un réseau thématique sur l’économie sociale a été mis en place pour les autorités de gestion du Fond social européen (FSE). De même, plusieurs programmes de l’UE, tels qu’Erasmus+ et Erasmus pour jeunes entrepreneurs, offrent aux entreprises sociales et à leurs organisations de soutien des possibilités d’apprentissage mutuel et d’échange d’expériences.

Quels nouveaux instruments la Commission européenne souhaite-elle mettre en place (communications, directives, financements…) ?

Dans une communication récente intitulée L’initiative en faveur des start-up et des scale-up la Commission a annoncé qu’elle continuerait à travailler sur l’accès au financement et sur les conseils en matière d’environnement favorable aux entreprises sociales pour les aider à démarrer et à développer leurs activités. Elle prévoit également de nouvelles actions visant à renforcer la dimension internationale, en termes d’actions de l’Union européenne dans le domaine des politiques de développement et de voisinage, ainsi que dans le contexte d’un agenda international plus large.

Avez-vous des exemples de mesures concrètes qui seront mises en œuvre en 2017 ?

À titre d’exemple, dans ma propre unité, nous sommes actuellement occupés à préparer des nouveaux instruments dans le cadre du programme EaSI , qui viendront compléter le système de garantie déjà en place, pour lequel nous avons connu une forte demande. Ces nouveaux instruments viseront à accroître à la fois la capacité technique et la capacité financière des intermédiaires à prêter de l’argent aux entreprises sociales. Ces instruments se renforceront mutuellement avec ceux qui seront mis en œuvre par le Fonds européen des investissements stratégiques. Dans le domaine de la visibilité qui fait l’objet de la première recommandation du GECES, la Commission continuera la mise à jour de la cartographie des entreprises sociales en Europe  de 2014. La cartographie a été mise à jour en 2016 pour six pays (BE, FR, ES, IE, BE, SK et PL) et sera mise à jour dans un proche avenir pour d’autres pays. La première édition de la cartographie nous a également démontré son utilité comme source d’inspiration à travers l’Union européenne pour aider les États membres à développer et à mettre de nouvelles mesures de soutien au niveau national. Nos collègues de la Direction générale GROW (Croissance : marché intérieur, industrie, entrepreneuriat et PME) mettront d’autre part en œuvre une action qui recueillera des preuves sur les bonnes pratiques relatives à la coopération entre les entreprises sociales et les entreprises conventionnelles. Ils organiseront également des formations pour les autorités nationales afin de maximiser l’utilisation des opportunités offertes par les nouvelles directives des marchés publics.

D’après vous, quels sont les obstacles actuels au développement et à la valorisation de l’économie sociale au niveau européen ?

Les obstacles au développement des entreprises sociales tels que vus par la Commission correspondent largement à ceux identifiés par le GECES. Le potentiel des entreprises sociales reste largement sous-estimé ce qui se traduit par des cadres législatifs mal adaptés et un écosystème financier sous-développé. Ce que nous avons notamment appris de l’étude cartographique et de l’échange avec les autorités nationales souligne l’interdépendance des différentes parties de l’écosystème. Cela nécessite d’élaborer des politiques de soutien dans un cadre cohérent et complet dans lequel les différentes parties se renforcent mutuellement.

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