Après le clash de l’été, retour sur la réalité des emplois aidés

07/09/2017
Actualité

En une intervention et une circulaire aux Préfets au creux de la période estivale, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a renversé la table des emplois aidés et annoncé la diète. Qu’en est-il réellement de ces emplois subventionnés ? Quel rôle a l’ESS dans leur mise en œuvre et qu’en est-il de leur efficacité ? Le Fil Cides tire le portrait des emplois aidés.

Il a fallu attendre dix jours après les déclarations sur la réduction des emplois aidés de Muriel Pénicaud, ministre du Travail, pour entendre le monde associatif réagir. Mais passé la sidération (peut-être) et la fin de la trêve estivale (surtout), les critiques se sont multipliées (voir note ci-dessous) avec deux types de positionnement. Le premier, commun à tous, est de demander de surseoir à la décision de revenir sur la réduction drastique d’emplois aidés, au risque de mettre en péril la santé économique de nombreuses associations et d’hypothéquer le parcours vers l’emploi de nombreuses personnes dont le contrat n’est pas renouvelé. Le second, poussé en avant notamment par les syndicats d’employeurs comme l’Udes ou encore le Mouvement associatif, appelle à la concertation et avance les termes d’une amélioration des dispositifs, notamment en renforçant la formation.

Une baisse entamée en 2016

Mais qu’en est-il réellement de ces emplois en France en 2017 ? La loi de finance 2017 avait prévu 280 000 nouveaux contrats aidés (CUI-CAE, CUI-CIE, Emplois d’avenir, cf. lexique) contre 459 000 en 2016 et 519 000 en 2015, pic du quinquennat de François Hollande (contrats uniques d’insertion et emplois d’avenir). Autrement dit, le nombre d’emplois aidés diminue en France depuis 2016.

Source ASP – Traitement Dares

Et finalement, Edouard Philippe a estimé le 24 août à 320 000 le nombre de contrats qui seront signés d’ici la fin de l’année, soit une rallonge de 40 000,  ce qui nous ramène, peu ou prou au niveau de 2012 (310 000 nouveaux contrats). La réduction à environ 200 000 emplois aidés  envisagée par la ministre du Travail,  pour 2018 s’inscrirait donc dans une tendance à la baisse. Mais à moins que les débats parlementaires sur la loi de finances 2018 ne soient l’occasion d’infléchir la position du gouvernement, cette diminution serait particulièrement forte, de l’ordre de 30 % en un an.

L’émoi du monde associatif ne vient pas tant de la diminution programmée que de son intensité et surtout du fait que l’Etat ait fermé sans prévenir le robinet au mois d’août, interdisant, notamment l’embauche de nombreux emplois aidés pour septembre notamment dans l’animation (lire l’interview de David CLUZEAU, délégué général du Conseil national des employeurs d’avenir)) et le renouvellement d’autres contrats, interrompant le parcours des salariés qui en bénéficiaient.

Le secteur non-marchand, premier employeur

Les associations (83 % des établissements de l’ESS) et les structures d’insertion par l’activité économique emploient en moyenne une petite moitié des salariés en contrat aidé du secteur non-marchand. L’autre moitié est le fait des collectivités territoriales (environ 25 %), l’enseignement public, les hôpitaux publics et autres administrations. Ce secteur non-marchand est le principal partenaire de l’Etat pour la mise en œuvre des emplois aidés d avec 428 000 emplois aidés sur les 519 000 financés en 2015. Le secteur social et médico-social emploie de nombreux salariés en contrats aidés, mais aussi l’animation (activités périscolaires et de loisirs) et les services à la personne. On retrouve là les secteurs de l’ESS les plus pourvoyeurs d’emplois.

De fait, les salariés en emplois aidés évoluent majoritairement dans des activités porteuses d’une forte utilité sociale a contrario du secteur marchand. Et les associations trouvent dans ces emplois subventionnés un moyen d’équilibrer leur modèle économique. La hausse des dotations d’emplois aidés correspondait souvent à des périodes d’apathie du marché de l’emploi. Elle permit de résorber en partie et à court terme le chômage des plus éloignés de l’emploi mais aussi de compenser la faible hausse des moyens publics destinés à financer leur utilité sociale.

Impact positif sur l’emploi

La Dares qui analyse en continue l’impact des politiques de l’emploi a publié en mars dernier un bilan des emplois aidés depuis trente ans, soit depuis la création des Travaux d’utilité collective (les TUC) en 1984. Les conclusions de cette étude relativisent l’affirmation gouvernementale de l’inefficacité des emplois aidés en terme d’accès à l’emploi stable. D’une part, la Dares constate un impact positif des contrats aidés sur la création d’emploi à court terme, surtout en période de crise. Ainsi, l’étude a pu mesurer que les 60 000 contrats aidés supplémentaires créés en 2015 ont permis la création nette de 21 000 emplois. Le résultat serait encore plus important dans l’insertion par l’activité économique où l’aide au poste permet de créer un emploi d’insertion et de financer une partie du poste d’encadrant technique. D’autre part, l’impact sur l’accès à l’emploi des plus éloignés du marché du travail se mesure en fonction du type d’emploi et du secteur. Selon la Dares, « 67  % des sorties en 2015 d’un Contrat unique d’insertion [dans le secteur marchand] et 41 % des sorties de  contrats uniques d’insertion (CUI) [du secteur non-marchand] étaient en emploi six mois après la fin de leur contrat. Des taux bien loin du chiffre de 25 % avancé par la ministère du Travail. La différence entre secteur marchand et non marchand est analysé par deux facteurs… d’une part, les salariés en emploi aidé dans le secteur marchand sont globalement moins éloignés de l’emploi que ceux du secteur non-marchand (ratio de salariés touchant les minima sociaux) et l’effet d’aubaine pour les emplois marchands est important. En effet, en l’absence d’aide, 58 % d’entre eux auraient tout de même embauché contre 21 % dans le secteur non-marchand.

L’importance de la formation durant le contrat

Là où le bât blesse, c’est lorsque la Dares compare la trajectoire vers l’emploi entre celui qui est passé par un emploi aidé et celui qui n’en a pas bénéficié. De ce point de vue, les résultats sont négatifs pour le secteur non-marchand puisque le salarié aurait moins de chance d’avoir un emploi non-aidé 2,5 ans après qu’une personne sans contrat aidé. Cet « effet d’enfermement », comme l’appelle la Dares, pourrait s’expliquer par le manque d’adéquation entre certaines activités des emplois aidés et les besoins d’emploi sur les secteur en tension. L’accès à une formation durant le contrat est aussi un facteur favorisant la réinsertion. De ce point de vue, les emplois d’avenir dont les obligations de formation sont plus strictement encadrées que pour les CUI semblent un modèle plus performant.

Le constat d’inefficacité des emplois aidés reste donc un peu court et la réalité est plus complexe, même si les dispositifs pourraient être améliorés de l’aveu même du monde associatif. A la fois appui à la création d’emploi en période de crise, soutien à l’activité des associations et de services publics sous financés et outil d’accompagnement des plus fragiles vers l’emploi stable, les contrats aidés sont utilisés depuis trente ans avec des objectifs politiques, économiques et sociaux qui ne sont pas toujours coordonnés ce qui peut se faire au détriment de leur légitimité.

 

Note : Vous retrouvez ci-dessous le lien vers les communiqués publiés par les organisations professionnels et réseaux de l’ESS concernant les emplois aidés : le CNEA Fédération des acteurs de la solidarité, Emmaüs France, Uniopss… , le Mouvement associatif, Familles de france, Udes, Nexem – Croix Rouge Française – Fehap – Unicancer,  Le Mouvement de l’économie solidaire, Ressources solidaires, Snaecso – Centres sociaux – Acepp

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