Association versus uberisation : un duel de modèles

14/10/2016
Actualité
L’impact du numérique sera au cœur des débats du Forum national des associations et fondations du 19 octobre. Mesurer les menaces (uberisation) mais aussi saisir les opportunités seront les deux angles d’attaque d’un sujet dont les associations doivent s’emparer pour distiller ses valeurs de coopération et de solidarité au cœur du système en mutation. Petite revue d’argumentaire…

Quand il s’agit d’évoquer le versant sombre de la révolution numérique, on parle d’uberisation. Quand il s’agit d’évoquer son versant éclairé, on évoque tout le potentiel d’applications qui favorise une économie collaborative. Avec l’uberisation vient la démolition du salariat, la précarisation des professionnels. Avec l’économie collaborative c’est l’avènement de la relation directe, des liens sociaux décuplés, des nouvelles solidarités. Pourtant, les alliances du numérique avec un esprit de coopération ou solidaire ont suscité beaucoup moins de success stories que de récupération par des entreprises à haute intensité capitalistique aujourd’hui célébrissimes. Et les initiatives emblématiques sont encore trop rare du côté des organisations de l’ESS. Il faut bien sûr citer Simplon, qui cherche à mettre l’art du codage informatique à portée de toutes les mains, dès lors qu’elles sont posées sur un clavier. D’autres structures, plus anciennes se penchent aussi sur le sujet comme Emmaüs qui lancera fin 2016 sa plateforme de vente en ligne de produits de seconde main après un long travail de préparation : « Label Emmaüs est né après une année exploratoire pendant laquelle le Conseil d’Administration d’Emmaüs France m’a confiée une mission sur le sujet du digital. Nous avions déjà 350 espaces de vente partout en France mais on était quasiment absent en ligne », explique Maud Sarda, coordinatrice et cofondatrice de Label Emmaüs.

Mais quelque soit le côté de la balance vers lequel penchera cette révolution numérique, celle-ci bouleverse d’ores et déjà les équilibres en présence des forces économiques (puissance économique, polarisation des capitaux), sociales (fracture numérique), le rapport au travail et à la production de richesse

Pragmatisme concurrentiel

S’emparer pleinement des enjeux du numérique est donc une option inéluctable pour les acteurs de l’ESS que ce soit pour se prononcer sur le « côté sombre » de cette révolution ou pour saisir les opportunités qu’elle représente. D’un point de vue purement pragmatique, il faut prendre le train de cette révolution, pour rester « à la page » sur des aspects aussi divers que la communication, le marketing, la gestion financière, les ressources humaines, la qualité de vie au travail… Cela revient à se mettre en position de résister face à de nouvelles concurrences qui apparaissent avec l’uberisation. Par exemple, les plateformes de mise en relation des particuliers avec des professionnels des services à la personne sont capables de bouleverser l’offre et accentuer la pression économique sur les acteurs associatifs. Dans le champ de l’économie circulaire, le lancement d’ici la fin de l’année 2016 d’une plateforme de vente en ligne d’objets de seconde main issus des communautés Emmaüs intervient des années après l’émergence des eBay et autres Leboncoin.

Enjeu politique

La seconde raison est stratégique et politique. Par ses principes de non-lucrativité, de solidarité, d’égalité des usagers et des adhérents, les associations et plus globalement l’économie sociale et solidaire (ESS) promeuvent un modèle de société à l’extrême opposé de l’uberisation. Face à la précarisation professionnelle du fait du développement du travail indépendant, à l’isolement des individus dans leur activité, l’ESS dispose d’outils et de réponses propres à influer sur la direction que prendra cette révolution. C’est le cas des coopératives d’activité et d’emploi, des Scic ou encore des groupements d’employeurs qui sont autant de solutions alternatives pour valoriser les nouvelles formes de travail tout en organisant une protection et une solidarité des parties prenantes. Label Emmaüs, reprend ces qualité pour créer une offre alternative et coopérative (Label Emmaüs est une Scic où l’efficacité technique de la plateforme web et le chiffre d’affaires généré serviront l’ensemble des communautés Emmaüs, les salariés en insertion, les bénévoles. « c’est la première place de marché solidaire. Les vendeurs sont des structures qui se battent contre l’exclusion, les personnes en charge de l’activité (prise de photo, création d’annonce, gestion des commandes et des expéditions…) sont elles mêmes, pour la plupart, en situation d’exclusion, accueillies dans ces centres. L’achat est un acte solidaire qui soutient ces acteurs et permet le développement de nouvelles compétences », explique Maud Sarda.

Pour parvenir à influer sur les mutations en cours, les associations et autres structures de l’ESS devront dépasser l’approche traditionnelle coûts / recettes pour intégrer dans leurs réflexions la valeur réelle produite par chacune d’entre elles : valeur pour les individus qui s’y engagent, pour les causes qu’elles défendent, pour la vitalité de la démocratie. Mesurer cette richesse produite par les associations n’est pas seulement une nécessité mais une opportunité de porter haut la cause d’une économie au service de l’humain, et non l’inverse.

Pour élargie le débat, rendez-vous au Forum national des associations et fondations, le 19 octobre et notamment aux conférences dédiées au numérique.

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