David Cluzeau, délégué général du CNEA et Vice-président de l’Udes : « les contrats aidés peuvent être une solution d’alternance intelligente »

07/09/2017
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La baisse annoncée des emplois aidés devrait animer encore le débat public dans les prochaines semaines, notamment dans la perspective du projet de loi de finances qui sera discuté à l’automne. David Cluzeau, délégué général du Conseil national des employeurs d’avenir (branche du sport, de l’animation, des Foyers des Jeunes travailleurs et de tourisme social et familial) et Vice-président de l’Udes en charge des Affaires sociales fixe les enjeux de cette crise.

Fil Cides : Quelles sont les remontées de terrain que vous avez depuis l’annonce de la réduction des contrats aidés ?

Les inquiétudes sont nombreuses et les impacts concrets. Deux cas précis… Le premier, une association devait mettre en place des activités périscolaires sur son territoire et pourvoir ainsi 60 emplois en contrats aidés pour la rentrée. Finalement elle ne le pourra pas. La décision arrive en août, c’est-à-dire au moment où les conventions sont suspendues et que nous lancions les recrutements. Tout a été stoppé. Or, les montages économiques sur ce type d’activité ne tiennent qu’avec l’aide financière apportée sur les emplois.

Second exemple. Une association m’explique qu’elle avait des emplois aidés dont elle aurait pu prolonger le contrat. D’une part, elle ne le peut plus et d’autre part, ces jeunes doivent interrompre la formation qu’ils étaient en train de suivre, puisque l’association n’a plus les moyens d’assumer l’obligation de formation prévue par le dispositif. C’est un double problème : perte d’emploi et interruption de la formation…

Quelles sont les solutions pour ces associations ?

Pour la formation, nous n’avons pas de solution. Sauf à ce que, exceptionnellement, les salariés payent par eux-mêmes la formation en obtenant des aides que je ne connais pas.

En ce qui concerne la baisse d’emplois aidés, elle est obligée de recruter des emplois non aidés, ce qui relève le coût de la prestation. L’association se retourne vers celui qui paye la prestation : les collectivités locales le plus souvent. Et là c’est tout un travail de négociation puisque les collectivités locales nous disent : « on comprend, mais comprenez-nous aussi… nous sommes soumis, nous aussi, à la baisse des emplois aidés et nous sommes victimes de la baisse des dotations globales. » Autre solution, c’est d’avoir un prix public en accueil de loisirs qui prenne en compte l’augmentation du coût. Mais, dans la logique de l’accueil de loisirs, il s’agit d’ouvrir l’accès à tous pour les loisirs, le sport, la culture. Un coût prohibitif enlève toute ambition d’utilité sociale ou d’intérêt général à la mission. C’est la quadrature du cercle. Résultat on peut en arriver à stopper certaines activités.

L’Union des employeurs de l’économie sociale (Udes) regrette l’impact de cette décision et demande d’y surseoir tout en appelant à discuter d’évolution, d’un renouvellement des dispositifs des emplois aidés. Faut-il y voir le signe que, pour les employeurs de l’ESS, Muriel Pénicaud a pris une bonne décision ?

Muriel Pénicaud aurait pris une bonne décision s’il s’agissait de réfléchir à comment améliorer les emplois aidés. Elle n’annonce pas ça, elle dit « je veux supprimer des emplois aidés et je veux transférer l’effort financier sur la formation… ». Elle passe de noir à blanc et fait fi de tout ce qui peut être bon dans les contrats aidés. Nous le regrettons.

Qu’est-ce qui est bon dans les emplois aidés ?

C’est un dispositif qui allie, si on le fait bien, la situation de demandeur d’emploi avec une formation professionnelle qui soit adaptée. Les contrats aidés peuvent être une solution d’alternance intelligente et adaptée à ceux qui ne pourraient pas entrer dans une formation en alternance classique. Quand on regarde les statistiques des emplois d’avenir, une bonne partie d’entre eux ont pu être pérennisés. L’accès à l’emploi est par ailleurs supérieur pour ceux qui ont suivi un emploi d’avenir. Qu’est-ce que demande un employeur en entretien d’embauche : qu’avez-vous comme expérience ? Quelle est votre formation ? Nous apportons cela.

Mais c’est justement la capacité à insérer les personnes dans l’emploi durable qui est remis en cause par la ministre du Travail…

Nous disons que c’est perfectible. Une exigence extrêmement forte a été posée pour les emplois d’avenir en matière de formation. Cela a globalement bien fonctionné. Il est vrai que si on prend les CUI-CAE, les résultats ne sont pas les mêmes. Il faut probablement renforcer l’obligation de formation et donc le contrôle de cette obligation. Peut-être aussi réfléchir à leur durée. Six mois, cela peut être trop court pour engager le salarié sur des formations qualifiantes et certifiantes.

Ensuite il faut dire deux choses. Un : il faut mieux cibler les professions qui auront besoin d’emplois aidés. Où avons-nous besoin de personnes formées ? Sur l’animation, nous avons eu un manque d’animateurs qualifiés au moment de la réforme des temps scolaires, il y avait donc une vrai demande à laquelle répondre et donc des emplois aidés à créer dotés d’une obligation de formation. Deux : ayons une vision un peu moins centrale, c’est-à-dire venant de l’Etat. Il faut une plus grande articulation avec le local, c’est-à-dire les acteurs économiques et les services de l’emploi pour déterminer justement les champs où les emplois aidés seraient utiles.

Qu’est-ce que vous espérez des prochaines semaines ?

Que la consultation qui n’a pas eu lieu ait lieu…

Vous avez des signes positifs de ce côté-là ?

L’Udes a interpellé le Premier ministre sur le sujet et nous n’avons pas encore eu de retour. Le CNEA a interpellé la ministre du Travail et nous n’avons pas eu de retour non plus… Mais on voit bien que le gouvernement réfléchit. Le Premier ministre a annoncé une rallonge des emplois aidés il y a quelques jours, sauf que cela ne concerne pas vraiment le mouvement associatif. Donc, au CNEA, nous allons signaler que l’effort est louable, mais il n’est pas suffisant. En tout cas du côté du secteur de l’éducation populaire, de l’animation et du sport.

Deuxième chose, Muriel Pénicaud annonce une réforme de la formation professionnelle et c’est cette réforme qui doit prendre le relais des objectifs d’insertion des emplois aidés. Mais que fait-on pendant les quelques mois de la réforme ? La transition est indispensable, parce qu’on a quand même des jeunes qui sont au chômage et cette décision a un impact sur leur qualification. Par ailleurs, les emplois aidés ont été intégrés depuis des dizaines d’années par les associations, comme par les collectivités locales, comme participant à la viabilité de leur modèle économique. Nous sommes capable de proposer des activités d’intérêt général parce qu’il y a des emplois aidés.

Le monde associatif n’est pas reconnu par le gouvernement comme un partenaire objectif sur certaines politiques publiques ?

Nous avons du mal à être lisible. Et, pour la branche de l’animation, cela se percute avec la réforme des rythmes scolaires. Notre activité est pourtant essentielle. L’emploi aidé vient en appui d’une association locale à toutes les tâches assurées par les bénévoles. C’est un jeune qui va faire de l’activité culturelle dans les quartiers défavorisés. C’est du quotidien ! Mais nous ne parvenons pas à être identifiés aussi facilement que l’emploi aidé affecté à l’accompagnement d’un enfant en situation de handicap à l’école.

Plus largement, le milieu associatif est extrêmement éclaté avec des organisations très petites et très grandes et tout ça fait qu’e nous avons du mal à exprimer le danger sur l’emploi. S’il y avait un plan social dans le secteur de l’animation, nous n’aurions pas une entreprise qui annonce qu’elle licencie 2000 personnes. Mais la perte d’emploi globale pourrait monter à trois ou quatre mille personnes.

La bonne nouvelle c’est que la nomination d’un Haut-Commissaire à l’ESS a été actée officiellement et que la ministre du Travail ait décidé de confier une mission sur les contrats aidés à Jean-Marc Borello.

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