Dans son numéro de septembre, le magazine Direction[s] tire le bilan de six ans de généralisation des appels à projets sur les procédures d’autorisation dans les secteurs sociaux et médico-sociaux. Sa conclusion est que l’apparente généralisation masque « un univers parallèle négocié »…
Le magazine Direction[s] a publié au mois de septembre un dossier fouillé sur la généralisation des appels à projets dans les procédures d’autorisation et en tire le bilan après six ans de pratique : « Elle devait devenir « l’alpha et l’oméga » du monde social et médico-social. La procédure d’autorisation par appel à projets (AAP) y a fait une entrée très remarquée à l’été 2010, après avoir été intronisée par la loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST). Celle-ci prévoit que tout projet de création, d’extension importante ou de transformation d’établissement ou service social et médico-social (ESSMS) [2] mobilisant de l’argent public, est soumis à l’avis d’une commission de sélection, qui l’évalue à l’aune d’un cahier des charges », rappelle le magazine avant d’exposer l’avis d’un grand nombre de parties prenantes : fédérations associatives (Fegapéi, Unahj, Fnars…), associations (Groupe SOS, Apea), représentants de services prescripteurs (ARS, DGCS…).
Des éléments positifs
Malgré six ans de pratique et « près de 500 appels à projets lancés dans le champ médico-social », l’article explique que « le recul est insuffisant pour affirmer avec force que la méthode avantage effectivement la meilleur réponse au meilleur coût, ou qu’elle a permis de redistribuer les « parts de marché » entre acteurs commerciaux, privés non lucratifs et publics ». Il est clair, par contre, que « les dérogations se sont multipliées » pour répondre à certaines situations, pour apporter de la souplesse… au « risque de la dérégulation ».
L’article souligne tout de même, au rang des arguments des partisans de la réforme que la procédure d’appel à projets permet une « meilleure planification de l’offre en lien étroit avec les financements disponibles ». Mais la phase d’apprentissage a été laborieuse, autant pour les associations que pour les autorités régulatrices. Désormais, la procédure semble être apprivoisée comme l’explique dans l’article Eve Dujarric, chargée de mission au département Organisation de l’offre « personnes handicapées » de l’ARS Ile-de France : « La qualité des candidatures s’améliore. Elles sont plus étayées, plus précises, surtout chez les opérateurs qui se positionnent régulièrement, si on exclut quelques « copier/coller » malheureux. De manière plus générale, le fonctionnement par AAP incite les acteurs à pousser leur réflexion, à mieux prendre en compte le contexte local et les recommandations nationales. On ne se retrouve plus avec quelques bons dossiers noyés dans la masse, comme au temps des Crosms. » Autre élément nouveau noté par Direction[s] : « L’intérêt des financeurs pour le partenariat et la coopération est aussi bien arrivé aux oreilles des gestionnaires, qui mettent en avant leur implantation locale ou encore leur réseau. »
Quid de la transparence ?
Le magazine s’interroge bien sûr l’équité et la transparence sensées être garanties par cette procédure. La diversité des témoignage révèle un contexte qui n’est sûrement plus aussi marqué que par le passé avec des procédures « jouées d’avance », mais où l’organisation de la transparence est loin d’avoir levé toute ambiguïté sur le téléguidage de certaines procédures.
Vient ensuite la question de l’ouverture à l’innovation : « À l’origine, c’était surtout la préservation des capacités d’innovation du secteur, que les détracteurs de la réforme abattaient comme argument massue. Malgré la place réservée aux AAP innovants et expérimentaux, le rapport publié en 2012 par Jean-Yves Hocquet [5] dénonçait déjà une « procédure conservatrice », n’encourageant pas les initiatives transversales ou interdépartementales. De grandes fédérations du secteur font aujourd’hui un constat similaire. « Certains adhérents sont bien en peine de mettre en valeur leurs démarches innovantes », rapporte Marie Aboussa. Les cahiers des charges s’avèrent très détaillés, « verrouillés » diront des gestionnaires. « Au fil du temps, nous avons plutôt eu tendance à les préciser, pour qu’ils décrivent au mieux l’attendu, justifie Pauline Ghirardello, référente AAP au département Organisation de l’offre « personnes âgées » de l’ARS d’Ile-de-France. »
Des exonérations en série
La fin de l’article expose la tendance de l’exception à la règle qui s’est développée au fil du temps. Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada), Foyers de jeunes travailleurs (FJT), Services d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad), établissements ou services sociaux ou médico-sociaux (ESSMS) en régie par les départements font partie des structures dérogatoires ou activités exonérées. Par ailleurs, aux côtés des AAP, ont « fleuri » appels à candidatures pour des structures ou transformations de petite taille, le recours aux Contrat pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) dans un contexte budgétaire contraint. Dernière évolution en date citée par Direction[s] : « la loi ASV a sorti les transformations importantes d’ESSMS du cadre de la procédure classique, à condition qu’elles soient orchestrées par un CPOM ». Direction[s] peut alors conclure que l’ « image d’un monde médico-social régi par la procédure d’appels à projets s’est quelque peu estompée, au profit d’un univers parallèle négocié »