Evaluation des facteurs de pénibilité dans l’ESS : Chorum sort sa boîte à outils

08/09/2016
Actualité
Avec l’entrée en vigueur des six derniers facteurs de risques professionnels le 1er juillet dernier, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est censé être totalement opérationnel dans les entreprises. Mais l’évaluation de ces facteurs reste encore un mystère pour nombre de TPE et PME. La mutuelle Chorum s’est emparée du sujet afin d’outiller au mieux les structures de l’ESS.

Quels salariés de l’ESS verront leur compte pénibilité débloqué en 2016 ? La question reste entière pour nombre de structures du secteur tant elles paraissent démunies pour évaluer l’exposition aux facteurs de risques professionnels, de chacun de leurs salariés, faute de disposer d’un outil de comptabilité fiable pour une tâche complexe.

La loi de réforme des retraites de 2014 qui a institué le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) a confié aux branches professionnelles la mission de réaliser le référentiel d’évaluation des niveaux d’expositions aux facteurs de risque (voir encadré). Mais peu de branches, estimant le dispositif trop complexe ont, à ce jour, établi ce référentiel alors que quatre facteurs sont à mesurer depuis 2015 et les six derniers le sont depuis le 1er juillet dernier. Selon le ministère du Travail, une cinquantaine de branches professionnelles auraient travaillé sur le sujet, mais aucun référentiel n’a été homologué par l’administration (comme le prévoit la loi). En ce qui concerne l’ESS, les branches auraient entamé la réflexion sans qu’aucune échéance ne soit fixée pour les voir aboutir.

 

La création du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) est la principale innovation de la loi de réforme des retraites votée en 2014. Le C3P permet à un salarié, qui justifie d’un certain niveau de pénibilité dans son travail, d’obtenir de partir à la retraite plus tôt, d’aménager son temps de travail ou encore d’accéder à des formations spécifiques. La loi du 20 janvier 2014 dite « garantissant l’avenir et la justice des systèmes de retraite », a listé dix facteurs de risques professionnels, tandis que les seuils au-delà desquels l’exposition à l’un ou plusieurs de ces facteurs ouvrent droit à un crédit sur son C3P ont été fixé par décret en 2015. La réalisation d’un référentiel d’évaluation, secteur par secteur, métier par métier a, elle, été laissée aux branches professionnelles et plus précisément aux organisations d’employeurs dès lors que ce référentiel n’a pas à faire l’objet d’un accord.
Ce qu’il faut savoir sur le C3P c’est ici

Des employeurs en manque d’outils d’évaluation

Les entreprises se retrouvent donc isolées pour mettre en place cette nouvelle comptabilité. « C’est un peu comme si on vous demande de creuser un trou sans même vous donner une pelle pour le faire… » résume Younes Benhjab, chargé de projet Prévention et santé au travail au sein de la mutuelle Chorum. C’est pourquoi la mutuelle, via son centre d’action et de ressources CIDES, a mis à profit son expertise sur les questions de prévention et santé au travail pour élaborer un certain nombre d’outils qui devraient faciliter la vie des structures de l’ESS. Un guide méthodologique Evaluer la pénibilité : le C3P de l’obligation à la mise en œuvre, ainsi qu’un logiciel dédié à l’évaluation de la pénibilité pour chaque salarié et une offre d’accompagnement personnalisée ont été élaborés par Chorum à destination des adhérents à partir des résultats d’une vaste étude menée courant 2016. Cette étude ; qui fait l’objet d’un rapport, Comprendre et évaluer la pénibilité au travail dans l’ESS accessible à tous, avait été lancée afin d’identifier les métiers particulièrement exposés aux facteurs de pénibilité et évaluer précisément cette exposition. Une quinzaine de métiers (Aide médico-psychologique, auxiliaire de puériculture, agent de cuisine, agent de service logistique…) ont été ciblés dans cinq secteurs d’activité (handicap, Ehpad, crèches, aide à domicile et activités logistiques en établissement sanitaire et social) du fait de leur « composante physique importante », explique Younes Benhjab.

Des seuils d’exposition restrictifs

82 jours d’observation de salariés dans 26 structures ont été menés par l’équipe de Chorum afin de mesurer l’exposition à quatre des dix facteurs de pénibilité :

  • Postures pénibles
  • Manutention manuelle de charges.
  • Travail de nuit,
  • Exposition aux produits chimiques

Les observations ont été complétées par des entretiens de salariés, afin de recueillir leur ressenti, mais aussi de dirigeants afin d’évaluer les actions et mesures organisationnelles sur le champ de la prévention des risques professionnels (équipements, organisation du travail, actions de prévention ou de formation…).

Sur les métiers observés, outre l’exposition au travail de nuit, facile à évaluer, c’est le facteur « postures pénibles » qui touche le plus les salariés, suivi du facteur « manutention manuelle de charges ». Par exemple, une aide médico-psychologique ou une aide à domicile va être confrontée à des situations de travail (donner le repas, assister la toilette, lever, coucher…) qui entraineront des postures particulièrement contraintes (torsion du buste, travail accroupi, à genou, bras tendu, etc.) pour pouvoir s’adapter au patient ou à la personne dépendante. Si d’autres facteurs, tels que l’exposition au bruit, sont moins repérés, il n’en reste pas moins qu’ils existent et « peuvent avoir un effet aggravant sur d’autres facteurs observés comme l’exposition aux produits chimiques », explique Magali Ollier, elle aussi chargée de mission Prévention et santé au travail. Or, d’un point de vue comptable, le C3P ne prend pas en compte l’impact d’une corrélation des facteurs de pénibilité. Plus globalement, l’étude permet d’affirmer que, les seuils fixés par décrets sont « très restrictifs ». Si l’on prend le cas d’une aide soignante en Ehpad, elle atteindrait tout juste le seuil de pénibilité en matière de postures (+ 4 heures au dessus du seuil de 900 heures/an) mais reste très loin en ce qui concerne les manutentions (113 h contre 600 h/an).

Réparation ou prévention

Ce niveau élevé des seuils incite l’équipe de recherche à bien faire la distinction entre le C3P qui relève d’une démarche de réparation (ce que n’indique pas son nom) et de ce qui relève de la prévention des risques professionnels dans l’entreprise. « Si un salarié n’est pas exposé au sens du C3P, cela n’enlève rien au fait qu’il est exposé dans son quotidien au risque professionnel », explique Younes Benhjab. Par exemple, l’exposition au bruit est prise en compte à partir de 81 décibels. Or une auxiliaire de puériculture, même si elle ne subit pas de tels niveaux sonores, reste exposée à un bruit ambiant tout au long de la journée qui représente un risque professionnel. «  Le fait de ne pouvoir prétendre au C3P n’exonère pas l’entreprise d’agir en prévention sur les différentes contraintes rencontrées par les salariés », conclut-t-il.

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