Guillaume Quercy : la stratégie du renforcement des acteurs non-lucratifs de la santé

08/07/2019
Actualité
Fusion UNA Nexem, Paysage employeurs de l’ESS, Autonomie – Grand âge… Le président d’UNA répond aux questions du Fil CIDES.

Fil CIDES : Jusqu’où doit vous mener le rapprochement entamé il y a 18 mois avec Nexem ?

Guillaume Quercy : Nos conseils d’administration respectifs ont voté il y a quelques mois une motion où le mot de fusion a été employé avec un terme fixé à la fin 2020. Et nos assemblées générales du mois de juin ont entériné à près de 90 %, la création d’une association de préfiguration qui aura pour mission de travailler au meilleur scénario de rapprochement.

Est-ce que cela veut dire que la frontière entre aide à domicile et sanitaire, social et médico-social n’est plus effective ?

Cela veut dire que nous cherchons à nous organiser pour que la demande des populations, qui est de vivre à son domicile lorsqu’on est en situation de handicap ou parce qu’on vieillit, trouve les bonnes réponses. Les acteurs du domicile sont des acteurs clés mais, tout seul, nous ne pourrons faire face à la demande.
Il faut travailler à décloisonner les organisations entre établissements et services, de façon à ce que l’on puisse inventer les réponses de demain.

Ce rapprochement vous permettra de peser dans les discussions sur le projet de loi Grand âge et Autonomie  ?

Nous sommes déjà très mobilisés. Mais une telle alliance nous permet d’être plus entendus encore et notre démarche devrait faire bouger les lignes. Cela nous permet aussi de donner à voir que, déjà, sur les territoires, des services d’aide à domicile travaillent avec des établissements pour inventer les réponses de demain. Le rapprochement UNA et Nexem, c’est à la fois être en posture d’interpellation et d’alerte, mais c’est aussi démontrer que les changements que l’on demande sont possibles puisqu’un certain nombre de nos adhérents y travaillent ensemble.

Nous sommes donc mobilisés sur le projet Grand âge autonomie (et notamment la mission El Khomri), mais aussi sur le Projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS) qui arrivera avant même cette loi. Ce sera une étape importante pour le secteur du domicile, puisque la ministre, Agnès Buzyn a indiqué plusieurs fois qu’il sera l’occasion de poser les premiers jalons du soutien au secteur de l’aide à domicile.

Le problème est qu’aujourd’hui, tout passe par le financement de prestations individuelles. Il n’y a pas de financement direct de l’offre comme on le connait dans les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) ou les établissements. Nous demandons donc un financement de l’offre qui passe par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) via les Agences régionales de santé. Ces dernières deviendraient donc les pilotes de l’offre dans l’aide à domicile. Cela permettrait d’avoir un dispositif à court terme pour soutenir l’offre, sans toucher aux prestations qui permettent le libre choix des personnes.

Qu’en est-il des deux fois 50 millions sur 2019 et 2020, annoncés à la suite de la crise des Ephad, l’été dernier ?

Ces fonds ont fait l’objet de très longues discussions avec la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et l’ensemble des acteurs de l’aide à domicile. Mais le projet de décret qui en est ressorti ne fait pas l’unanimité. D’abord parce que le montant est ridicule (50 millions d’euros quand on parle de besoins en milliards). Mais, au-delà du montant, ces 50 millions seront gérés par les départements. Et d’expérience, nous craignons de ne pas voir arriver l’argent sur le comptes des associations d’aide à domicile, ou des services publics.

Nous avons donc contesté ce décret et il est probable qu’on en arrive au contentieux. Le secteur vit une crise majeure, il faut des mesures à court terme, mais d’une autre ampleur que ce qui était prévu par ce décret. Il faut un financement fort des acteurs du domicile.

Votre rapprochement avec Nexem va-t-il rebattre les cartes de la représentation des employeurs, notamment au sein de l’Union syndicale de branche ?

Nous ne raisonnons pas ainsi. Ce sont les droits des personnes qui nous intéressent et ce que nos adhérents respectifs peuvent faire pour rendre ces droits effectifs. Et je sais que toute la communauté des organisations de l’aide à domicile sont tournées vers l’effectivité des droits de la personne. Chacun peut avoir des trajectoires différentes, mais toutes sont bien réfléchies en fonction de l’histoire de chacun…

On voit toutefois une évolution de la représentation des employeurs et, notamment, au travers de cette nouvelle confédération des employeurs qui regroupe Nexem, Fehap, Croix-Rouge, Unicancer… En ferez-vous partie du fait de la fusion avec Nexem ?

Vous allez vite… A l’heure où nous parlons, il n’est pas question de convention collective commune ou de branche unique. Le rapprochement avec Nexem s’opère autour d’un travail sur les politiques publiques, l’innovation et les questions de recherche scientifique. Sur le périmètre du dialogue social, les organisations de l’action sanitaire et sociale doivent structurer leur maison commune et travaillent à réaliser une convention collective unique. Ce que nous avons déjà dans l’aide à domicile, avec l’Union syndicale de branche.

Notre rapprochement ne change donc rien si ce n’est, bien entendu, qu’il permettra à UNA et Nexem d’être des faiseurs d’opportunités pour faire du lien entre les deux branches, ou même entre les deux Opco. Mais il n’est surtout pas question de remettre en cause la stabilité de l’environnement qui est en place dans le secteur du domicile.

Pas de recomposition du paysage employeurs donc ?

A mon sens nous sommes dans des dynamiques congruentes qui vont dans une logique de renforcement des acteurs non-lucratifs dans le champ de la santé, au sens de l’OMS. C’est un champ où il est extrêmement important que le modèle non-lucratif soit le modèle dominant. Parce qu’on parle d’argent public, de mobilisation de la Nation en terme de solidarité nationale, il ne serait pas acceptable que la santé humaine bascule dans un champ majoritairement lucratif.

Le renforcement de la branche Action sanitaire et sociale [à but non-lucratif, ndlr], au même titre que ce qui a eu lieu dans la branche de l’aide à domicile et dans le cadre de l’Udes, est, à mon sens, un élément important pour maintenir l’ESS comme un acteur important dans le champ de la santé au sens large.

Murielle Pénicaud a redit qu’elle souhaitait voir les Opco Santé et Cohésion sociale fusionner d’ici un à deux ans. Vous contribuerez à cet objectif ?

Comme président de l’UNA, oui, bien sûr, car nous étions l’organisation de la branche de l’aide à domicile qui aurait souhaité que les deux environnements soient rapprochés. Je dirais même que c’est l’ensemble de l’USB qui le souhaitait car, pour mémoire, en juillet 2018, l’ensemble des membres de l’USB avaient plaidé pour un grand Opco couvrant les champs cohésion sociale, santé et médicosocial. C’est le rapport Marx-Bagorsky, qui a dit qu’il y en aurait deux et qu’il faudrait choisir…

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