Hugues Vidor : « travaillons sérieusement la QVT dans chacun des accords que nous signons »

08/06/2017
Actualité

Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale revient sur l’appel de Laurent Berger, dans son interview au Fil Cides, à négocier un accord global sur la qualité de vie au travail. Une interview au lendemain d’une première rencontre entre le syndicat employeur de l’ESS et le Premier ministre Edouard Philippe.

Fil Cides : Dans son interview au Fil Cides, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, a appelé l’Udes à ouvrir une négociation globale sur la qualité de vie au travail dans l’ESS. Est-ce une perspective envisageable ?

Hugues Vidor : Je tiens à rappeler à Laurent Berger que la QVT est un axe stratégique et une politique de long terme de l’Udes. Nous sommes engagés depuis 2007 avec la déclaration promouvant la qualité de l’emploi et la responsabilité sociale des entreprises. A l’époque il s’agissait de sensibiliser, de mobiliser, de fédérer les employeurs autour du sujet. Ça a été le départ d’un grand nombre d’actions dont le protocole d’accord sur la promotion de la diversité dans les branches de l’Economie sociale en 2008 qui avait été discuté avec les organisations syndicales. Nous avons aussi mené une démarche d’observation, d’analyse et de sensibilisation destinée à faire progresser la prise en compte de la prévention et de la santé au travail au sein des entreprises de l’ESS à partir de 2008 et qui a abouti à la signature de l’accord sur les risques psycho-sociaux. Il y a eu aussi la signature d’une charte de la diversité en 2010.

Des accords ont déjà touché à la question de la QVT, mais pas d’un point de vue global qui aurait ratissé large sans toutefois aller au fond des choses. Il y a eu la signature de l’accord sur les risques psychosociaux en 2010, sur la prévention des discriminations, sur l’emploi, la formation en 2006 et 2011 et l’égalité professionnelle en 2015. Ce dernier a été signé en 2016 par les cinq organisations syndicales de salariés, dont la CGT. J’entends encore la déclaration de la CGT qui disait que, pour eux, c’est un accord de référence.

Je souhaiterais rappeler aussi que l’Udes est engagée au sein d’un groupe de dialogue social (GDS). C’est une particularité de l’économie sociale et solidaire que d’avoir initié un tel groupe de travail qui permet de rapprocher l’ensemble des organisations syndicales de salariés et employeurs, soit 23 syndicats employeurs sur 15 branches. Nous y avons engagé, depuis 2015, des travaux sur la problématique de la qualité de vie au travail. Nous avons publié un document de synthèse sur la qualité de vie au travail dans l’ESS, des pistes de travail prioritaires et une méthodologie à l’usage des branches pour améliorer la QVT et ce avec les organisations syndicales de salariés. Le GDS a sa lettre de mission pour 2017-2018 et cette feuille de route, prévoit de remettre sur la table le sujet de la QVT pour voir comment l’investir de manière renouvelée suite à la publication de la deuxième édition du baromètre QVT Chorum-CIDES. Nous avons aussi demandé à l’ensemble des syndicats membres de nous faire remonter les négociations d’accord, les outils mis en place, les publications, les formations. Et nous sommes engagés à fournir, une fois par an, auprès des membres du GDS, un état des lieux de l’avancée de ces travaux.

Vous nous dites, en substance, que le dossier est loin d’être vide. Pour autant, est-ce que négocier un accord global ne pourrait être le prolongement de ce qui a été fait ?

Nous sommes ouverts et on peut en discuter. Mais la QVT touche plusieurs domaines et on ne peut pas faire un accord qui les couvre tous au risque de les noyer tous. C’est une question de méthode. Nous disons : travaillons sérieusement cette question dans chacun des accords que nous signons. D’ailleurs, nous avons pris cet engagement devant les organisations syndicales, d’inscrire la question de la QVT au sein des futurs accords multi professionnels. Par exemple, le GDS développe un travail sur la question des personnes en situation de handicap. Et, d’ici 2018, il est prévu d’aborder le numérique. Deux thèmes pour lesquels, forcément, la problématique de la QVT est présente.

Pour autant le dialogue est ouvert, que ce soit au sein du GDS ou en recevant Laurent Berger et la Cfdt pour en discuter de vive voix et voir en quoi un accord global renforcerait l’action des employeurs de l’économie sociale et solidaire et de l’ensemble des partenaires sociaux sur ce sujet.

Vous avez été reçu par le Premier ministre. Que souhaitiez-vous faire passer comme message, au moment où le gouvernement s’apprête à légiférer par ordonnance sur le droit du travail ?

Il y a aujourd’hui une priorité dans ce pays, c’est la question du développement de l’emploi et la nécessité de tout faire pour que l’insertion professionnelle des jeunes soit une priorité. Dans le cadre de la plateforme de propositions que nous avions publié au moment de la présidentielle, nous avions repris ce thème car on ne peut admettre d’offrir comme seule perspective aux jeunes le RSA ou une situation de non travail. Si la politique du gouvernement va dans cette direction, nous serons de ceux qui feront tout pour la soutenir.

Sur la question de la simplification du marché du travail et du développement de la négociation, nous avons un certain nombre de points de vigilance à avoir. Sur la question des ordonnances, on peut comprendre que pour lancer les choses, il puisse y avoir besoin d’une marque forte. Mais il faut, ensuite, que le dialogue social reprenne son cours dans de bonnes conditions. Nous continuons de penser qu’il faut un lieu dédié, on pense notamment au Conseil économique social et environnemental pour trouver le bon diagnostic social partagé avant d’aller vers des négociations avec des partenaires sociaux. On peut penser aussi à des lieux pour abriter les négociations des partenaires sociaux que ce soit au Haut conseil du dialogue social ou ailleurs, mais il faut que ce soit des lieux outillés. C’est-à-dire qu’ils puissent bénéficier d’expertises sur des thèmes spécifiques et techniques à l’instar de ce qui a été mis en place sur le sujet des retraites avec le Conseil d’orientation des retraites (COR) ou de l’emploi avec le COE (Conseil d’orientation de l’emploi). Il faut aussi permettre un droit à l’expérimentation complété d’études d’impact sérieuses avant de lancer des négociations sur un certain nombre de sujets.

Pour rentrer en détail sur la simplification du marché du travail, si nous sommes favorables à la négociation d’entreprise sur un certain nombre d’éléments qui touchent à l’organisation du travail, il est cependant indispensable de conserver le rôle régulateur de la branche, par exemple quand on parle de formation professionnelle, de classification, de protection sociale, on considère que cela doit rester un rôle éminent de la branche, tout comme sur le salaire minimum, ou les durées de référence du travail.

Sur le compte pénibilité, la position du gouvernement a déjà évolué depuis sa nomination. Quelle est la position de l’Udes dont seule la branche de l’aide à domicile a fait homologuer son référentiel ?

Il y a peut-être des aménagements à trouver dans certaines branches, je pense au secteur agricole, mais pour ce qui est de l’ESS, on a fait un point sérieux et régulier avec nos adhérents, nous sommes favorables au maintien du compte pénibilité. Cela fait partie de l’ADN de l’Udes.

Comment analysez vous l’attribution de la politique ESS au ministère de Nicolas Hulot, après des années de bataille pour faire entrer l’ESS à Bercy ?

En première analyse, nous étions très attachés à rester au ministère de l’Economie. Nous sommes sur les questions du développement de l’emploi et nous sommes des acteurs sociaux sur les territoires. Nous parlons des emplois non délocalisables de l’ESS, d’emplois incontournables qui permettent la cohésion sociale que ce soit sur l’insertion, les questions d’intervention auprès de publics fragiles, mais aussi la transition énergétique, le numérique… bref, sur la question de l’emploi nous sommes absolument incontournables.

Pour autant nous avons pris acte de ce transfert vers un ministère d’Etat. Ce que nous souhaitons aujourd’hui c’est le maintien d’une délégation interministérielle à l’ESS qui ait des moyens humains et financiers pour travailler à la coordination du secteur. Nous avons beaucoup apprécié le travail réalisé par la déléguée Odile Kirchner sous l’autorité de Madame Pinville et c’est la première fois, avec le Conseil supérieur de l’ESS, que nous avons ce type d’instance, créée par la loi et qui nous permet d’avancer collectivement avec les représentants de l’Etat.

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