La santé au travail est une des priorités de l’Union Européenne, mais très peu étudié sous l’angle du genre. De ce fait, peu intégré aux politiques européennes de santé et sécurité au travail (SST), laissant en jachère le champ des inégalités au travail.
Les accidents du travail sont en baisse. Derrière de ce constat positif, se cache une situation très contrastée et notamment en France. Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), pendant que les acccidents du travail diminuent de 28,6% pour les hommes, ils augmentent de 28% pour les femmes. Un tel gap ne peut qu’interroger sur ce qui différencie les hommes des femmes au travail.
Le défi de l’invisibilité
La première des différences est celle qui explique qu’on ne traite pas spéficiquement de la santé au travail des femmes : l’invisibilité de la pénibilité des emplois et secteurs dits féminins. Les tâches effectuées par les femmes sont souvent vues comme nécessitant moins d’effort physique, et donc comme étantçç plus faciles. Tant que cette invisibilité ne sera pas levée, les femmes pourront être réticentes à l’idée de signaler ces problèmes, de peur qu’elles génèrent de nouvelles discriminations. Et pourtant, la pénibilité est réelle. un rapport de l’Observatoire Européen des Risques explique que les femmes sont particulièrement touchées par : les troubles musculosqueletiques (TMS) ; le stress ; la violence sur le lieu de travail ; le harcèlement sexuel ; les troubles mentaux engendrés par la conciliation vie privée-vie professionnelle et les stéréotypes sexistes.
Elles sont également nombreuses à pratiquer le travail informel (aide aux personnes âgées, garde d’enfants hors cadre légal…). La conciliation travail-famille est alors d’autant plus difficile à mettre en place. Alors que le lien entre la tâche accomplie au travail et les problèmes de santé ne se fait pas toujours de façon évidente pour les femmes, il est nécessaire d’amorcer une évolution du concept d’accident de travail afin de prendre en compte tous les types de risques et élaborer des politiques intégrant tous ces facteurs.
On note, dans les milieux de travail très masculins, que les travailleuses vont adopter les habitudes masculines telles que les longues heures de travail, le présentéisme et la visibilité des problèmes de SST. De plus, tout salarié qui voudrait faciliter son embauche peut avoir tendance à accepter des conditions précaires et cacher ses problèmes de santé pour garder son emploi.
Des bonnes pratiques européennes
Au niveau européen, le cadre stratégique de l’Union européenne pour la santé et la sécurité au travail 2014-2020 a mis en avant trois grands défis concernant la santé au travail des Européens :
- Permettre un meilleur respect de la législation dans les États membres, en augmentant la capacité des petites et micro entreprises d’adopter des mesures prévenant les risques de façon efficace ;
- Améliorer la prévention des maladies du travail en regardant les risques existants, nouveaux, et émergents ;
- Faire face à l’évolution démographique.
Aucune politique européenne ne s’intéresse spécifiquement à la situation des femmes, sauf incidemment, lorsque la problématique touche particulièrement les femmes comme la prévention de la santé mentale qui a donné lieu à des échanges de bonnes pratiques entre Etats membres.
Certaines bonnes pratiques sont toutefois à souligné à l’échelle des Etats. En Autriche l’inspection du travail a mis en place une politique d’intégration de la dimension de genre. En Finlande le projet de l’Institut de Recherche sur la Population, « Égalité et multiculturalisme au travail » a permis la promotion de la participation à la vie professionnelle des femmes issues de l’immigration. La France a mis en place une analyse de la dimension de genre dans l’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (SUMER), une enquête d’experts réalisée par des professionnels de la santé et de la sécurité au travail. En Espagne un guide d’évaluation des charges physique a vu le jour, il tient compte des différences femmes-hommes et a été créé par l’Instituto Nacional de Seguridad e Higiene en el Trabajo.