L’impact du genre sur la santé au travail dans l’UE

16/03/2015
Actualité

Les politiques européennes ont, depuis les années 2 000, poussé à l’allongement de la vie professionnelle. Dans un dossier consacré au vieillissement au travail, l’Institut syndical européen (ETUI) s’inquiète toutefois de l’inégale capacité entre les hommes et les femmes à faire face à ces carrières toujours plus longues1.

Les pénibilités auxquelles les hommes et les femmes sont confronté(e)s ne sont pas identiques. Le dossier de la revue Hesamag (Etui), dédié au sujet, note que les hommes sont principalement concernés par des risques physiques notoires tels que le bruit, les vibrations, les températures excessives, les charges lourdes tandis que les femmes sont davantage exposées à des risques diffus comme les gestes répétitifs, les journées continues et une autonomie restreinte.

Une charge émotionnelle forte dans les emplois féminins

Si l’amélioration des conditions de travail, constatée depuis le milieu des années 1990, a permis de réduire le nombre d’accidents du travail, de nouveaux risques ont émergé, d’ordre psycho-sociaux cette fois. D’après les agences européennes dédiées à la santé au travail (Eurofound et EU-OSHA), 25 % des travailleurs déclarent ressentir du stress sur leur lieu de travail. Mais si les deux sexes peuvent pareillement être affectés par des risques psychosociaux, ceux-ci ont différentes origines : « L’intégration grandissante des femmes aux secteurs des services impliquent qu’elles soient plus souvent sujettes à des clients en colère. Cependant, les hommes font généralement plus d’heures supplémentaires et connaissent un moindre équilibre vie privée-vie professionnelle »2.

Certains secteurs largement féminisés, comme les « emplois blancs » (secteur de la santé et des services sociaux), sont particulièrement concernés3. Le secteur de l’ESS ne fait pas exception à ces risques psychologiques, les caractéristiques des métiers de l’insertion impliquant notamment des contacts nombreux avec des publics fragilisés4.

Les femmes en moins bonne santé

À ces différences professionnelles s’ajoutent des inégalités dans la sphère privée : Marine Coupaud, chercheuse à l’Université de Bordeaux, rappelle ainsi que la pénibilité au travail est nécessairement plus pesante pour les femmes dans la mesure où celles-ci assument une double journée : « Travailler plus de 40 heures par semaine aura un impact négatif sur la santé des hommes comme sur celle des femmes, mais la tendance est pire pour ces dernières »5.

Un constat partagé par l’ETUI dans Hesamag pour qui les effets cumulés de ces deux journées se traduisent par une santé et une espérance de vie en moins bonne santé chez les femmes. Ces effets sont d’autant plus forts que les risques professionnels qu’encourent les femmes avec le travail domestique rend plus difficile leur prise en charge.

En fin de carrière, ces situations professionnelles différenciées sont tout aussi présentes. Les travailleuses de plus de 50 ans sont beaucoup plus nombreuses à être embauchées à temps partiel (34 % d’entre elles) que leurs homologues masculins (9 %). Ces contrats précaires vont souvent de pair avec une insécurité économique.

Des politiques discriminatoires à enrayer

En se fixant un objectif de taux d’emploi des seniors à 50 % en 2010, l’Union européenne a incité les États membres à allonger les carrières professionnelles des plus de 55 ans6. Mais en ne tenant pas compte des différences existantes entre les femmes et les hommes, ces politiques de maintien dans l’emploi en sont devenues discriminatoires.

L’évolution du partage des tâches domestiques et des législations sur les congés parentaux, l’accès des femmes aux postes à responsabilités, etc. permettra sans doute – à long terme – de faire changer les choses. Dans l’immédiat, les acteurs politiques, économiques et les partenaires sociaux seraient bien inspirés de faire reconnaître l’impact du genre sur la santé au travail et s’attachent à lutter contre toute inégalité en la matière.

1 ETUI, « Femmes et hommes inégaux face au vieillissement au travail », HesaMag #10, 2ème semestre 2014.

2 Lignes directrices établies par la Commission européenne lors du sommet de Stockholm en 2001.

3 EUROFOUND et EU-OSHA, Pyschosocial risks in Europe – Prevalence and strategies for prevention, octobre 2014, disponible en ligne (en anglais) sur le site www.eurofound.europa.eu, p. 38.

4 EUROFOUND, Residential care sector: Working conditions and job quality, www.eurofound.europa.eu, 21 mai 2014.

5 Chorum-CIDES et POUR LA SOLIDARITÉ, Dialogue social et qualité de vie au travail : les innovations dans l’économie sociale et solidaire en Europe, octobre 2012, p. 9.

6 JACOBSEN Henriette, « Gender determines health problems in the workplace », www.euractiv.com, 5 mars 2015.

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