L’objet social élargi, une réalité européenne

07/03/2018
Actualité
L’entreprise à mission est déjà une réalité dans d’autres pays européens avec d’un côté des formes d’entreprises « non profit » qui s’intègrent globalement à l’univers de l’économie sociale et d’autres qui s’inspirent de la labellisation B-Corps qui nous vient des Etats-Unis.

Si le concept d’entreprise à mission apparaît tout juste dans le débat français à l’occasion de la préparation du projet de loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) un coup d’œil sur nos voisins européens peut nous aider à y voir plus clair. Le Royaume-Uni, l’Italie, la Belgique et l’Espagne disposent d’un statut qui se rapproche de cette entreprise à objet social élargi dont les origines sont à chercher aux États-Unis.

Ces entreprises à mission sont mises en évidence d’une part à travers la labellisation BCorp, et d’autre part à travers des statuts nationaux qui nous fournissent des exemples qui alimentent le débat en cours dans l’hexagone.

La labellisation des entreprises à mission

Tout part des États-Unis pour l’entreprise à mission. Notamment à travers l’exemple du glacier Ben & Jerry’s, dont les fondateurs très engagés dans leur politique RSE se sont vus reprocher par un actionnaire un soutien financier à une association. Pour éviter que cela ne se reproduise, ils ont fait inscrire dans leurs statuts ces objectifs qui dépassent la seule rémunération de l’actionnaire. Dans cette lignée, ils ont obtenu la création du statut de Benefits corporation et le label d’évaluation d’impact BCorp s’est développé. Il se définit depuis 2006 comme un label certifiant des entreprises commerciales engagées dans des standards rigoureux de performance sociale, environnementale et de transparence.

Bien qu’il soit principalement inspiré des tendances anglo-saxonnes, ce label BCorp représente aujourd’hui près de 2500 entreprises, dans 52 pays et à travers 130 secteurs industriels. Il existe donc depuis 2011 une application européenne de ce modèle, allant de l’Espagne à la Turquie en passant par la France, qui compte une cinquantaine d’entreprises labellisées. Parmi les plus connues, le distributeur Nature et Découvertes et la Camif sont considérées comme les leaders en France. Mais certains entreprises qui se réclament de l’ESS sont aussi labellisés comme Microdon ou encore la Ruche qui dit oui.

Ailleurs en Europe, des statuts juridiques déjà existants

Des pays voisins de la France ont pris les devants, avant même l’émergence du label B Corps sans que le terme d’entreprise à mission n’ait été utilisé à l’époque.
Les deux premiers cas sont celui des « Community interest companies », ou entreprises d’intérêt communautaire, au Royaume-Uni, et celui de « société à finalité sociale » (SFS) en Belgique, étant respectivement instaurés depuis 2005 et 1995.

Plus récemment, en 2015, le parlement italien a adopté le nouveau statut de « Società Benefit », qui donne la permission aux sociétés de se déclarer entreprise d’utilité sociale et ainsi bénéficier des avantages d’un statut juridique officiel répondant aux engagements de ces sociétés. Enfin, le quatrième cas est plus ancien (années 60) et est espagnol, il s’agit des « Sociedad anónimas laboral » (SAL), qui est encore un peu plus particulier.

Le statut italien est le plus récent et le plus proche du label BCorp. Un exemple de ce nouveau statut est l’entreprise Nativa – qui lors de sa création était la première entreprise en dehors des États-Unis à détenir un statut juridiquement autonome. Nativa est une plateforme d’accompagnement et d’aide au développement des entreprises dans une logique de durabilité et d’utilité sociale. En un peu plus de deux années d’existence, 160 entreprises ont opté pour ce statut. (www.societabenefit.net/registro-ufficiale-societa-benefit/)

Le modèle britannique est différent, puisque les CIC sont majoritairement des entreprises sociales, c’est-à-dire comportant avant tout un objectif social, alors que le statut italien peut concerner des entreprises marchandes engagées dans la RSE, à l’instar des entreprises labellisées BCorp. De plus, quand le statut italien est légal et autonome (c’est-à-dire qu’une entreprise peut se créer sous ce statut de società benefit), le statut anglais, plus ancien, n’est qu’un statut complémentaire à une autre forme légale (souvent des sociétés anonymes). L’autre différence est que le statut de CIC semble être exclusif à des entreprises sociales, dans lesquelles la dimension hybride est moins présente. Pus de 2800 nouvelles CIC ont été créées en 2017.

Le statut belge, peut être considéré comme précurseur en la matière puisqu’il date de 1995, mais tout comme la CIC, il n’est que complémentaire à un autre statut juridique obligatoire. Ce statut est considéré en Belgique comme pouvant correspondre aux besoins d’entreprises de l’ESS en procurant par exemple des avantages en matière fiscale. Dans cette dynamique, l’exemple de BEES Coop, un supermarché participatif bruxellois, illustre le recours à la SFS de manière complémentaire au statut de coopérative.

Enfin, le cas espagnol des SAL, quelque peu différent puisqu’il ne s’agit que d’entreprises dont les actionnaires sont majoritairement les employés, mais dont le statut hybride de société commerciale à intérêt social est reconnu par le CEPES, la plateforme espagnole de l’ESS.

Disparition des SFS belges ?

Ainsi, entre les statuts classiques des entreprises de l’ESS et ceux des entreprises commerciales, il existe en Europe des exemples qui peuvent être des sources d’inspiration pour la France. Les résultats, en terme de création d’entreprise restent toutefois très disparates. L’écart entre le modèle italien, dont à peine 100 entreprises par an ont été créées, et celui britannique qui a concerné 2800 entreprises en 2017 est flagrant. La création d’un tel statut d’entreprise ne garantit pas une réussite et une opportunité pour les entreprises, notamment celles de l’ESS. En Belgique, bien que ce système soit mis en place depuis plus de 20 ans, un projet de loi est discuté visant à modifier les statuts d’entreprise et, entre-autres, à supprimer ce statut des SFS. En effet, bien que le nombre d’entreprises de l’ESS possédant le statut SFS ait doublé entre 2005 et 2015 (passant de 192 à 404), ce chiffre ne représente qu’une infime partie du nombre total d’entreprises de l’ESS (environ 17 000 en 2015).

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