Mélanie, l’animatrice devenue messagère au violon

26/03/2020
Actualité
Derrière les masques #03 : Que faire quand les visites sont interdites et les résidents confinés dans leur chambre ? Mélanie Scherrer, animatrice à l’Ehpad de l’Arc à Mulhouse a commencé par sortir son violon dans les couloirs. Et maintenant elle organise des visioconférences avec les familles.
Face à la crise sanitaire, le Fil CIDES change son format et alimentera quotidiennement une chronique qui raconte le quotidien des salariés, bénévoles de l’ESS qui agissent pour la santé, la solidarité et le lien social. Les premiers épisodes de #Derrièrelesmasques s’intéressent aux équipes du Réseau APA, groupe associatif sanitaire et social situé dans le Haut-Rhin, à l’épicentre de l’épidémie en France.

« J’avais fait du violon plus jeune. Je l’ai ressorti du placard… », Mélanie Scherrer avoue presque son idée en s’excusant. Mais quelle belle idée, a-t-on envie de lui rétorquer… La jeune femme est animatrice au sein de l’Ehpad (maison de retraite) de l’Arc à Mulhouse depuis deux ans. 140 résidents âgés, souffrant de diverses pathologie dont Altzheimer, confinés depuis un mois au cœur de la métropole haut-rhinoise. « Le directeur a d’abord stoppé les visites des familles dès le début de l’épidémie en février. Mais les résidents mangeaient encore ensemble. Depuis le 9 mars, ils ne sortent plus des chambres. »

Bonnes vibrations

Toutes les animations sont annulées, les bénévoles ne rentrent plus dans les locaux et les entrées dans les chambres se font avec masque et blouse. Alors il a fallu innover pour tenter de casser la torpeur qui pèse un peu plus, jour après jour, que ce soit sur les résidents ou les équipes de soin. C’est pour ça que Mélanie a sorti son violon. Postée dans le couloir, elle frotte son archet sur les cordes. « Ce n’est pas comme faire venir des professionnels. Mais je joue des chansons qu’ils aiment bien, l’hymne à l’amour, des chansons alsaciennes aussi », raconte Mélanie. Son violon résonne entre les murs, des portes s’ouvrent pour laisser entrer les notes. D’autres l’interpellent pour lui dire qu’ils écoutent depuis leur lit. « J’aurais pu aussi diffuser de la musique sur CD, mais ce n’est pas la même chose que de sentir la vibration des cordes. C’est du réel. »

Skypépéro

Peut-être inspirée par les Skypéro qui permettent à tout à chacun de remettre un peu de convivialité malgré le confinement, Mélanie a aussi  proposé aux familles et aux résidents d’organiser des rencontres « skype ». Les demandes sont rapidement montées en flèche. Rares sont les résidents qui ont un téléphone, encore moins un ordinateur à disposition. La proposition a recueilli un tel succès que le violon ne sort plus de sa boîte. Mélanie garde en permanence son ordinateur portable sous le bras et gère son planning. « C’était l’anniversaire d’une résidente il y a quelques jours. Nous avons pu réunir sur l’écran ses trois enfants et des petits enfants, tous éloignés les uns des autres pour fêter ça. Une grand-mère a passé une heure à discuter avec sa petite fille… ». Mélanie est devenue experte pour installer les logiciels, ou les applications, créer les comptes… des familles organisent maintenant des groupes sur telle ou telle appli… « Cette période nous aide à revenir à l’essentiel, estime Mélanie, et d’un coup les familles constatent qu’on peut rompre facilement l’isolement d’avec nos proches. »

Fatigue psychique

Voilà près d’un mois que Mélanie vit à ce régime. « Je sens une fatigue psychique. J’ai du mal à dormir et je récupère mal. On s’inquiète de tout risque d’infection des résidents. Il y a cette idée que nous sommes en mission. » La mortalité au sein des Ehpad due au Covid-19 accentue le poids émotionnel pour les salariés. « Heureusement, nous avons dans nos établissements, des médecins régulateurs qui viennent de l’hospitalier et peuvent accompagner les équipes », rassure Matthieu Domas, le directeur général du Réseau APA, dont fait partie l’Ehpad. La médiatisation de l’oubli de ces décès par les pouvoir publics a amplifié les inquiétudes, notamment parmi les familles. D’où le choix du Réseau APA d’ouvrir l’accès à la cellule psychologique du groupe aux proches des résidents.

Nouvelle habitude

A la maison, le stress professionnel peine à s’éloigner de Mélanie. Douche et lessive au retour de la journée de travail sont devenues systématiques. Mélanie parvient tout de même à préserver des instants familiaux : « on la chance d’avoir une maison avec un petit jardin. Avec le beau temps, ça fait vraiment du bien… »

Et quand le quotidien aura repris son cours, il est fort probable que l’activité « Skype » devienne un must à l’Ehpad de l’Arc.

 


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