Modèles économiques associatifs : les perceptions évoluent lentement.

17/05/2017
Actualité
Ces dernières semaines, les rapports se sont multipliés pour parler évolution de modèles socio-économiques associatifs (Etude KMPG) ou différenciation entre associations et entreprises sociales (Rapport HCVA). C’est le signe que l’environnement de l’intérêt général évolue et que de nouveaux repères sont nécessaires. L’analyse de ces deux rapports révèle aussi la lente progression des perceptions de deux mondes qui, jusqu’à la loi sur l’ESS de 2014, peinaient à se côtoyer.

 

Si la fin d’un secteur associatif protégé par des fonds publics garantis est une évidence pour tous aujourd’hui, le devenir des modèles socio-économiques du secteur non-lucratif, reste lui sujet de grandes discussions. Les débats tournent autour des grands facteurs d’évolution de l’action associative que sont la concurrence exacerbée (avec le privé lucratif, mais aussi entre associations), la commande publique versus subventions, la fin des petites structures au profit des regroupements, l’hyper professionnalisation versus l’action collective et citoyenne, l’évolution du bénévolat…

Ces grandes tensions qui s’expriment dans le monde de l’action privée d’intérêt général se sont notamment cristallisées par l’opposition de genre entre les associations et l’entrepreneuriat social. Mais la loi ESS de 2014 a scellé l’union entre ces deux familles ce qui impose aux uns et aux autres de se reconnaître et donc de fixer les critères de cette reconnaissance. C’est l’entreprise qu’a mené le Haut conseil à la vie associative (HCVA), saisi par Patrick Kanner, alors ministre de la Ville, de la jeunesse et des sports, qui souhaitait comprendre « la place occupée par « l’entrepreneuriat social aux côtés du secteur associatif ». Entreprise complexe, prévient rapidement le HCVA dans la synthèse de son rapport, faute de statistiques fiables sur ces entreprises sociales. Elles sont attendues, puisque les listes d’entreprises de l’ESS, sont en cours d’administration par les CRESS ce qui fournira, à terme, une base d’informations stables et objectivées.

Leadership contre fonctionnement collectif ?

Dès lors le HCVA tente de cerner des critères de différenciation entre l’association et l’entreprise sociale. Par exemple, l’entreprise sociale serait plus « un mode de fonctionnement (en l’absence d’un statut juridique propre, ndla) privilégiant l’individu et le leadership dans l’association privilégie le fonctionnement collectif ». Ce qui est vrai si l’on prend les associations dotées d’administrateurs et d’adhérents mobilisés autour de leur objet mais moins si l’on regarde vers des associations dont le président s’attarde trop à son poste ou dans le cas de structures hyper professionnalisées. Le rapport estime par ailleurs que les entreprises sociales abordent un champ moins large de secteurs d’activités que les associations. Mais la vrai différence, le HCVA la trouve lorsque les entreprises sociales ont opté pour un statut commercial. Dans ce cas tout est clair puisque d’un côté, l’association ne connait que le pouvoir partagé, l’inaliénabilité du patrimoine associatif, l’attention à la personne avant la rentabilité. Tandis que l’entreprise sociale, c’est la répartition des fruits de l’activité entre les membres, la détention d’un capital et « des choix de gestion qui peuvent privilégier la rentabilité ». Mais cela ne répond pas, finalement, à la question initiale puisque de nombreuses associations se conçoivent comme une entreprise sociale, alors qu’elles ne disposent pas de capital, par essence, ni de résultat à distribuer.

6 modèles structurent le paysage associatif contemporain

Finalement, c’est peut-être le cabinet d’audit et de conseil KMPG qui répond à sa manière au HCVA dans son rapport sur les Stratégie d’acteurs et propositions pour faire évoluer les modèles socio-économiques des associations. Ce rapport, commanditée par l’Union des employeurs de l’économie sociale (Udes) et le Mouvement associatif (LMA) dresse un panorama précis sur l’évolution des modèles socio-économiques des associations, Il n’évoque pas, en tant que tel, la distinction entre association et entreprise sociale, mais les six modèles socio-économiques qui présentent les divers options structurelles d’une association couvrent toute la diversité de ce que l’on peut faire avec un tel statut. Ces 6 modèles se différencient par le croisement de deux critères :

  • Le modèle économique ( types de financement et leur proportion dans le budget de la structure : des fonds publics prépondérants aux fonds privés prépondérant en passante par l’hybridation équilibrée des ressources)
  • La réponse apportée au besoin social (d’une réponse unique, une mono activité pour répondre à un besoin particulier à une réponse globale et plurielle qui se traduit par la complémentarité d’activités, ou une offre d’activités de filières).

Le panorama de l’étude Udes/Le Mouvement Associatif, identifie très clairement des modèles qui coexistent aujourd’hui, de l’association financées majoritairement par les fonds publics, sur une activité unique au grand groupe associatif, aux activités diversifiées, certaines rentables, d’autres non, aux organisations hyper professionnalisées et peu en lien direct avec les instances de gouvernance, même si elles sont présentes et impulsent l’esprit de l’association. Le rapport sur les stratégies d’acteurs constate donc que le monde associatif est en soit très divers, traversé de tensions diverses auxquelles les associations répondent en fonction de leur secteur d’activité, de la capacité à drainer des fonds, du niveau d’implication bénévole ou tout simplement de la capacité à fournir un service, social ou autre qui soit accessible à tous ceux qui en ont besoin.

Il anime surtout une image en mouvement avec des dynamiques de développement de certains modèles, comme, par exemple, celui d’associations du secteur sanitaire et social qui grossissent notamment pour diversifier leurs activités (soin à domicile, soins infirmiers, gestion d’Epad…) et être capable à répondre à toute demande sur une filière, qui plus est si l’une ou l’autre activité plus rentable peut compenser les pertes d’une autre. En revanche, la petite association qui sert de relais à une action publique (mono-activité, financée majoritairement par des fonds publics) est un modèle qui perd du terrain et devrait s’obliger à s’ouvrir à une hybridation de ses financements.

Les statistiques qui pourront émerger des listes des entreprises de l’ESS dans les CRESS devrait, en effet, être une matière particulièrement prisée des chercheurs afin de pondérer la place de chacun de ces profils associatifs et mieux suivre ce que sont des mutations du modèle associatif et ce qui conduit, certaines d’entres elles à s’arrimer à ce courant qu’est l’entrepreneuriat social.

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