« Nous travaillons de mieux en mieux entre acteurs de l’ESS »

15/10/2019
Actualité
Jonathan Jérémiasz, président du Mouves depuis le départ de Christophe Itier, revient sur le projet de loi de finance, les relations au sein d’ESS France, les mesures pour les associations, l’insertion…

Quel sont vos réactions concernant le financement de l’ESS dans le projet de budget 2020 ?

Jonathan Jérémiasz : L’augmentation du volume d’investissement est positive. On passe de 0 à 3,8 millions avec les Contrat à impact social, le Fonds pour l’innovation sociale, l’évaluation de l’impact, le fonds d’amorçage que le Mouves avait demandé en 2017 et qui est essentiel pour qu’il y ait plus d’entreprises sociales en France. Ce qu’il manque toujours dans le PLF 2020 c’est un pack de mesures de soutien aux jeunes ESUS : exonération de cotisations patronales durant les cinq premières années, création d’un régime de mécénat d’innovation sociale… Et, pour favoriser le changement d’échelle des entreprises sociales et solidaires, il faudrait enfin prendre en compte sérieusement leur contribution à l’intérêt général en leur appliquant une fiscalité réduite significativement. Il y a aussi un sujet sur la nécessité de généraliser, pour une grande part des subventions, un cadre pluriannuel afin que cela adhère à la durée d’un projet.

Les annonces du Pacte Ambition IAE, les 375 millions d’euros agrégés sur le financement à impact ne vous satisfont pas ?

Ce sont de vrais succès, mais ce n’est pas suffisant. Au sein du gouvernement, le Haut-Commissaire à l’ESS, Christophe Itier, et Thibault Guilluy, qui préside French impact et le conseil pour l’inclusion et l’emploi, viennent de nos rangs et se démènent sur nos combats. Mais ils sont encore trop isolés. Pour voir une prise en main à la hauteur des enjeux de la transformation profonde de notre économie pour répondre aux défis de la transition écologique et sociale de notre pays, il faudrait que Bruno Lemaire soit un fervent militant de l’économie sociale et solidaire, ce qui est loin d’être le cas. Il l’a la connait à peine et la défend très peu.

Qu’est-ce qui n’a pas été compris, selon vous par ce gouvernement ?

La présence d’Emmanuel Macron, lors du Pacte ambition IAE est un bon signal et j’espère que ce n’est qu’un début. Mais ce gouvernement est très pro entreprise et pro croissance économique, pour lutter contre le chômage. Ce sont des options, mais qui n’en sont pas pour répondre à l’urgence du développement d’une économie sociale et écologique… Elle ne nécessite pas tant de gagner des points de PIB que de gagner des points en terme d’impact social et environnemental.

Bien sûr l’emploi est un objectif partagé, mais la santé aussi, la lutte contre la pauvreté, la protection de l’environnement. Et tout cela ne se mesure pas en point de PIB, pas même en taux de chômage. Le Mouves fait partie de ceux qui pensent qu’il faudrait moduler la fiscalité pas seulement en fonction des résultats financiers mais également en fonction des résultats sociaux et environnementaux des entreprises, et mettre en place à terme, un bonus-malus écologique et social. Car, si on a la volonté ferme de développer une économie plus responsable sur le plan social et environnemental, il faut jouer avec les outils dont on dispose. Et parmi ces outils, il y a la fiscalité. De la même manière, on ne peut pas dire qu’on est pour une transition écologique et solidaire sans donner consigne à tous ses acheteurs publics d’acheter plus responsable…

Mécénat, aide à l’emploi associatif… différentes têtes de réseaux s’expriment en prévision du débat parlementaire sur le budget. Quel est votre degré de convergence avec ces expressions ?

Le Mouves a repris pleinement sa place dans les instances de l’ESS depuis quelques années et nous sommes d’accord sur l’essentiel des combats. Nous travaillons de mieux en mieux entre acteurs de l’ESS et au sein d’ESS France depuis le dernier changement de gouvernance et la présidence de Jérôme Saddier. Nous ne sommes pas d’accord sur tout, et nous sommes des passionnés, mais un vrai travail collectif a été mis en place avec la volonté d’essayer de parler au maximum d’une seule voix et que cette voix soit la plus forte possible.

Le Mouves participe à cette dynamique car l’un des problèmes de l’ESS est de manquer d’un porte-voix unique et fort.

Au sein des acteurs de l’ESS, le débat autour de l’objet social de l’entreprise, l’entreprise à mission a-t-il renouvelé les termes de la vieille discussion sur comment mieux se reconnaitre et se rendre visible ?

Un travail a été relancé au sein des acteurs de l’ESS sur notre différence, notre avance, et qui nous invite à nous questionner à nous redéfinir. La loi PACTE oblige l’ESS, si elle veut survivre dans sa singularité et maintenir son avance, à réaffirmer ce qu’on est. Et peut-être, enfin, faut-il oser dire qu’un certain nombre d’acteurs qui se revendiquent du secteur ou qui sont comptés dans les statistiques dans l’ESS ont légèrement dévissé des fondamentaux.

Le message du Mouves à l’ESS est constant. Il ne dit pas seulement « soyez entrepreneur, dynamique et bon gestionnaire », mais aussi « soyons cohérents entre valeurs et pratiques ». C’est notamment la discussion sur l’encadrement des rémunérations dans les grandes entreprises de l’ESS dont un certain nombre excèdent grandement ce qui nous semble raisonnable. Ce n’est pas un détail, car il est suivi par les consommateurs, par la jeunesse qui souhaite s’engager. Et c’est une grande contradiction en notre sein, au même titre que la prise en compte de l’écologie qui reste encore insuffisante.

Comment voyez-vous cette évolution ?

Elle pourrait se traduire, par exemple, en appliquant les échelles de rémunération raisonnables en fonction de la taille des entreprises, à l’ensemble des acteurs de l’ESS. Ceux qui ne respecteraient pas cette règle ne pourraient plus s’en réclamer. Cela nous alignerait humblement sur les plafonds de rémunération qui existent déjà pour les dirigeants des entreprises publiques.
De même, des entreprises significativement destructrices sur le plan de l’écologie ou sanitaire ne pourraient pas être considérées comme relevant de l’ESS car la solidarité, nous la devons également aux générations futures.

Vous organisez le 15 octobre une rencontre avec Frédéric Laloux pour échanger sur l’innovation managériales et organisationnelles…. L’ESS a-t-telle plus à apprendre ou à enseigner sur ce sujet ?

C’est au sein de l’ESS que vous avez les organisations les plus avancés car elles se posent la question depuis le plus longtemps aussi. Mais de la même manière que sur les rémunérations ou l’écologie, il y a des entreprises de l’ESS qui sont loin de s’être suffisamment préoccupés de la question de l’épanouissement, de l’autonomie, d’un management plus horizontal ou participatif et qui ont clairement besoin d’apprendre…

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