Représentativité patronale, mutation en cours des instances de représentation de l’ESS sur les territoires, positionnement en prévision des échéances électorales… Les enjeux sont nombreux pour les mouvements de l’ESS en 2017 dans un contexte où « faire projet de société » n’a jamais été aussi important.
Il y a deux manières d’appréhender 2017. La première consiste à dresser la liste des chantiers en cours. De ce point de vue, l’année 2017 devrait voir aboutir la recomposition territoriale de l’ESS tant du point de vue des instances représentatives que des politiques publiques. La fusion de CRESS, suite à la réforme des Région, est en cours. Tout récemment, a été annoncée la naissance de la Cress Occitanie Pyrénées-Méditerranée. Au-delà du passage à 13 Cress, ce processus de fusion est important car il propulse les chambres vers l’étape d’après, celle du renouvellement du modèle économique des chambres régionales qui endossent aujourd’hui, peu ou prou, le rôle de chambre consulaire sans en avoir les moyens. L’état des lieux, dressé dans le rapport sur l’action des Cress et du CNCRESS, par l’Inspection générale des finances (IGF) à la demande de Martine Pinville, secrétaire d’Etat à l’ESS, confirme cet objectif tout en préconisant la stabilité, à moyen terme, du soutien financier de l’Etat aux Cress et au CNCRESS. La secrétaire d’Etat en prend acte puisqu’elle a déclaré, suite à la remise du rapport de l’IGF : « si les Cress doivent engager une nette diversification de leurs ressources, c’est bien à l’Etat qu’il revient de veiller à un développement homogène sur le territoire, des chambres régionales de l’ESS, en lien étroit avec le CNCRESS. »
Du point de vue des politiques publiques territoriales, là-encore, les premiers mois de 2017, permettront de dresser un bilan d’impact des alternances régionales au travers de l’analyse des Schéma régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) sensés intégrer les préconisations des Conférences régionales de l’ESS. Beaucoup d’inquiétudes subsistent dans de nombreuses régions où les acteurs de l’ESS s’inquiètent de voir se dissoudre les politiques de soutien spécifique aux entreprises de l’ESS du fait dans le lot commun des dispositifs généralistes d’appui aux entreprises.
Les départements, eux aussi auront à affirmer, ou non, leur attachement à soutenir le développement de l’ESS au moment de voter leur budget 2017, d’ici le mois de mars. La Loi NOTr enlevant, a priori, la compétence économique, ne devrait pas empêcher les territoires les plus volontaristes de continuer de soutenir l’ESS via leur budget, soit par délégation du Conseil régional, soit en utilisant une porte d’entrée autre que le développement économique, telles que la cohésion sociale.
Approfondir la représentativité patronale
Au niveau national, l’un des principaux chantiers à suivre sera celui de la représentativité patronale. Ce sera, en tous les cas la priorité de l’Udes. L’année 2016 a donné lieu à quelques avancées en la matière et tout récemment, un décret est venu officialiser l’entrée de l’Udes, en tant que partenaire social, au Conseil d’orientation de l’emploi (COE), une instance placée sous l’autorité du Premier ministre. Mais là encore, l’Udes n’est pas au bout de ses peines, puisque la principale organisation d’employeurs de l’ESS attend toujours les décrets confirmant la promesse faite en octobre 2015 par Myriam El Khomri, de son entrée au Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) et à la Commission nationale pour la négociation collective (CNNC). Or la CNNC sera un lieu stratégique du dialogue social en 2017, puisque c’est au sein de cette instance que se négociera la refonte et la diminution des branches professionnelles.
L’ESS dans le débat public.
La seconde manière d’appréhender 2017 est d’observer comment les fédérations et réseaux souhaitent prendre part aux échéances électorales qui vont rythmer ce premier semestre. Une constante : le recours au web pour informer et fédérer. L’Udes a d’ores et déjà publié ses 60 propositions pour une économie citoyenne et annonce pour janvier une plateforme web qui sera le lieu de prise de positions fortes par les acteurs, mais aussi d’analyses critiques des propositions et propos des candidats. On trouve une stratégie identique du côté de la Mutualité française, dont le président fraîchement élu, Thierry Beaudet, a rendu public le site Placedelasanté.fr avec, comme son nom l’indique, un focus sur les projets des candidats en matière de santé.
La question fondamentale reste de savoir si les représentants de l’ESS, parviendrons à faire entendre et voir leur projet au plus grand nombre pour lui donner du poids. D’où l’idée posée par le Mouvement associatif et la Fonda de lancer l’élaboration d’un Agenda citoyen pour la période 2017-2022. « Notre objectif est de mettre en lumière l’expertise des associations, en termes d’analyse des enjeux mais aussi de solutions apportées, sur des sujets qui ne sont pas suffisamment traités dans le débat public : la transition écologique, la transformation numérique, les mutations de l’emploi, la crise de la démocratie… », explique Bastien Engelbach, coordonnateur des programmes à la Fonda. L’Agenda citoyen ne se conçoit pas comme une plateforme revendicative, mais comme un lieu d’expression devant nourrir le débat démocratique et influer sur l’orientation des thèmes de campagne. Conscients qu’il faudra communiquer par différents canaux, la Fonda et le Mouvement associatif ont prévu plusieurs angles d’attaque. D’une part une plateforme web d’expression et de témoignages du monde associatif dans des formats courts et accessibles, l’organisation d’un événement dans les premières semaines de l’année et un partenariat presse inédit avec la revue We Demain qui traitera, à sa manière, les dix grandes priorités ressorties d’une étude menée auprès des associations.
Un(e) ministre de l’ESS en mai 2017 ?
Au Labo de l’ESS, la posture est encore différente. Bien sûr, le think tank de l’ESS est sollicité par diverses organisations pour stimuler le dialogue en prévision du débat présidentiel et il assumera cette fonction. Mais la publication récente de « 2017… et après ? Nous avons un REVE » estime, avant même que nous ayons quitté 2016, que l’enjeu n’est pas l’année qui vient mais LES années qui viennent. « Mettre le zoom sur l’élection présidentielle – l’élection d’une seule personne – serait, d’une certaine manière, aller à l’encontre de tout ce que l’ESS prône : la démarche bottom up, le territoire, la coopération, la vision de long terme », explique Françoise Bernon, déléguée générale du Labo. L’enjeu majeur pour le Labo sera donc de réussir en 2017 l’entrée dans une nouvelle étape de son développement. « Après les États généraux de 2011, explique Françoise Bernon, l’analyse était que l’ESS est tellement hétérogène que personne n’y comprend rien. Il fallait passer par l’exemplarité des centaines d’initiatives. Maintenant, nous devons rendre visible le lien structurant qui unit toutes ces initiatives que ce soit au travers des circuits-courts, de la transition énergétique, l’économie circulaire… ».
Qu’il y ait une alternance ou pas en 2017, la prochaine élection présidentielle refermera une page importante pour l’ESS qui a, pour la première fois de son histoire, disposé d’un ministère de tutelle tout au long du quinquennat. De l’intensité et de la forme des mobilisations de l’ESS dépendra peut-être la réponse à une question : à l’issue du scrutin de mai prochain, y aura-t-il encore un ministre de l’ESS ?