Quels seront les emplois durables, pérennes et épanouissants de demain ?

29/03/2017
Actualité
Le 7 mars dernier, le mutuelle Chorum attirait plus de 200 personnes à l’Opéra Bastille venues partager les résultats de la 2e édition du Baromètre national de la qualité de vie au travail dans l’ESS. Les débats ont été l’occasion de prendre de la hauteur sur cette révolution du travail qui occupe tant les esprits que ce soit pour en dénoncer les risques que pour en extraire les espoirs d’un futur meilleur.

Face aux transformations du travail, peut-on imaginer des emplois durables, pérennes et épanouissant pour demain ? Faut-il même se poser cette question alors que les prémices de l’uberisation de l’économie nous laissent entrevoir des lendemains au travail toujours plus précaires, moins bien protégés et découpés en tranche ? Si la  matinée de la journée du 7 mars se consacrait au présent de la qualité de vie au travail dans l’ESS avec la présentation de la 2e édition du Baromètre national de la qualité de vie au travail dans l’ESS, l’après-midi, elle, s’ouvrait sur les horizons de l’avenir du travail face à la révolution technologique. Il fallait au moins un philosophe, un préfet, une futurologue, une environnementaliste, un dirigeant d’entreprise sociale, un militant du renouvellement de la démocratie et ledirigeant d’un cabinet de recrutement dans l’ESS pour explorer ce vaste sujet et nous apporter des pistes de réponses.

L’exercice prospectif réalisé par Yannick Blanc, président de la Fonda, a permis de balayer l’hypothèse du scénario noir et unique de l’uberisation. Des scénarii d’avenir, il y en a plusieurs et c’est leur entremêlement qui nous rapproche le plus de ce que sera demain. Bien sûr, la marchandisation est à l’œuvre sur certains secteurs. Oui il y a un  retrait de l’Etat – « presque lescénario dominant », précise-t-il. Et ce retrait de l’Etat  pourrait être comblé, à l’instar de la Big Society britannique, par un modèle entrepreneurial « que certains appellent le capitalisme d’intérêt général ». Mais d’un autre côté, l’hypothèse d’un « société créatrice est à l’œuvre même si elle se heurte à une sorte de plafond de verre », analyse Yannick Blanc. Ce scénario de la société créatrice est celui où la société civile et « le fait associatif, détermine l’organisation de la société ». L’évolution de notre société est donc une combinaison de ces différentes options et incitent, notamment, à ne pas sombrer dans le scepticisme. Pierre-Henri Tavoillot, président du collège de philosophie souligne ce fait qui résonne selon lui comme une énigme : « la question qui se pose n’est pas celle de la montée de l’individualisme, mais c’est comment, malgré tout, il y énormément de solidarité qui se manifeste dans notre société. »

La transition comme projet

La transition écologique apparaît inévitablement dans le débat comme cette option solidaire sur l’avenir. Et Isabelle Delannoy, environnementaliste, rappelle à dessein combien cette transition serait génératrice d’emploi et de richesses venant se substituer à celles issues d’une économie carbonée qui périclite. Une telle conclusion n’épuiserait toutefois pas le débat, tant l’affirmation du concept de transition écologique n’est en soi qu’un élément d’incantation d’un avenir que l’on a du mal à se figurer. Se poser la question de l’emploi durable, dans un contexte de démultiplication des formes d’emploi qui repousse mécaniquement la primauté du salariat, c’est s’imposer de requestionner notre rapport au travail. Et, pour Sandrino Graceffa, directeur de Smart, , « la révolution numérique nous invite à reconsidérer le travail (…) l’emploi est tellement devenu la forme dominante du travail – avec tout ce que ça a de bon, et notamment la protection sociale – que l’on ne considère plus le travail que par l’emploi. »  Et face aux emplois précaires d’Uber, Sandrino Graceffa évoque les solutions telles que son entreprise, Smart, ou les coopératives d’activité et d’emploi où « nous tentons de faire que les travailleurs soient réellement autonomes, de leur donner un statut (…) ce sont des personnes qui ne veulent pas créer une propriété de leur savoir-faire, mais juste vivre dignement de leur travail.  » Mais si le travail n’est pas que l’emploi, qu’est-il d’autre ? Geneviève Bouché, docteur en sciences de l’organisation et futurologue explique : « notre priorité c’est de réorienter notre temps des activités productives vers les les activités contributives. C’est compliqué car seules les premières sont facilement convertibles en euro aujourd’hui (…) mais il faut aller vers une société organique qui accepte des échanges multiformes… » Le problème aujourd’hui est qu’on en reste à « l’affrontement entre catégories de travailleurs, relance Sandrino Graceffa. Il n’est pas concevable de continuer à imaginer une seule forme de protection sociale alors que nous avons des statuts du travail qui sont extrêmement fragmentés. Il faut un débat qui reparte de l’analyse des besoins. »

Quelle réalité de l’emploi durable en ESS ?

Les finalités, les formes de gouvernance des entreprises de l’ESS laissent à penser que les emplois y sont durables et épanouissant par essence. Le baromètre de la qualité de vie au travail, identifie clairement l’attachement des salariés de l’ESS à leur métier du fait de cette finalité, tout en soulignant que tout n’est pas rose au quotidien. Jean-Philippe Teboul, qui dirige le cabinet de recrutement Orientation Durable pose clairement la question « où sont les fiches de postes dans l’ESS qui intègrent, les questions de la transparence, alors que c’est une aspiration forte chez les candidats ? » D’un côté il constate que « la démocratie au travail est présente dans l’ESS, mais il n’y a pas grand chose de neuf (et) sur les fiches de poste cela ne se voit pas ou très peu. » De l’autre, il relève l’émergence depuis une décennie du concept du militant salarié. « Cela se concrétise par une différence de fond qui peut se faire jour entre le salarié et son entreprise, du fait d’un choix de société (…) on nous demande de plus en plus des profils de managers qui sache gérer cette démocratie à l’œuvre avec le militant salarié. »

Mais plutôt que de gérer la démocratie, ne faut-il pas l’ouvrir ? C’est la question que pose Romain Slitine, auteur du « Coup d’Etat citoyen », sur le champ de la démocratie politique. Tout comme l’économie et le travail, la démocratie doit vivre sa mutation face au « constat de crise de la représentation et l’émergence de la société collaborative », explique-t-il. Il oppose aux réponses institutionnelles – celles qui viennent d’en haut – les « initiatives qui sortent du cadre logique », mentionnant en exemple le droit à l’initiative citoyenne expérimentée en Finlande depuis 2012 .Il propose aussi d’aller beaucoup plus loin dans la coproduction des lois que ce qui a été fait sur la loi numérique d’Axel Lemaire, ou en imaginant aussi un budget participatif au niveau national…

Des solutions qui peuvent paraître trop éloignées de nos réalités d’aujourd’hui mais qui correspondent à une constante de ce débat : ‘d’une part les mutations en cours sont suffisamment profondes pour que l’on ne puisse se contenter des solutions que l’on connait déjà et d’autre part, l’innovation ne pourra venir que de démarches horizontales où la participation citoyenne est prépondérante.

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