Qui peut prétendre aux nouveaux contrats à impact social ?

01/10/2019
Actualité
Mieux vaut être une grande association avec des objectifs à trois ans qui parlent aux investisseurs. Le rapport de Frédéric Lavenir, remis au Haut-commissaire à l’ESS et à l’innovation sociale, trace le cadre d’un process harmonisé pour une nouvelle génération de contrat à impact social (CIS).

C’est le retour des Contrats à impact social (CIS). Lancés par Martine Pinville, alors secrétaire d’Etat à l’ESS, en mars 2016, l’expérimentation des CIS au travers d’un appel à projet permanent. La nouvelle génération a été officiellement présenté par Christophe Itier, Haut-commissaire à l’ESS, le 17 septembre, alors que seulement sept sur les 13 CIS labellisés se sont concrétisés et deux sont en phase de paiement. L’Adie a financé le projet Regain visant au déploiement d’une plateforme capable de renforcer la présence de l’Adie dans les zones rurales à faible de densité. Et Wimoov, qui œuvre à lever les freins à la mobilité pour les personnes éloignées de l’emploi, a déployé un outil numérique de gestion des profils des personnes accompagnées sur le plan national. Un rapport « Pour un développement du CIS au service des politiques publiques » lui a été remis par Frédéric Lavenir, inspecteur général des finances et président de l’Adie. « Nous avons amorcé une standardisation, une base de connaissances, pour réduire le coût entrée d’une organisation qui voudrait se lancer dans un contrat à impact social », résume Frédéric Lavenir. Ce rapport visaient entre autre à lever les difficultés rencontrées par les projets avortés : lourdeur administrative et technique de la procédure, coût financier élevé de la gestion de projet pour la structure ou encore de la difficulté des collectivités locales à se lancer dans une telle aventure. Si l’on prend le cas de Wimoov donc le CIS s’est bien déroulé,  l’association avait opté pour un CIS court à réaliser sur un an seulement en 2018. L’évaluateur a rendu sa copie en juin et l’association est actuellement en attente du versement des fonds (600 000 euros + intérêts) par le tiers payeur. Soit dix mois après la fin de l’action.

Pour un million minimum

Lors de la remise du rapport, le haut-commissaire a annoncé un nouvel appel à projet dans le courant du premier trimestre 2020. Qui pourra y prétendre ? Peu ou prou le même type de structures qu’auparavant, mais en bénéficiant d’un chemin balisé par les conclusions du Rapport Lavenir. A un million d’euros minimum le ticket d’investissement, « difficile pour une associations dont le budget tourne autour de 100 000 euros de se lancer », explique Raphaëlle Sebag, déléguée générale de l’Iilab, qui a accompagné nombre de porteurs de CIS. Le seuil du million d’investissement minimum, s’il n’est pas gravé dans le marbre est communément accepté car, en deçà, les coûts de structuration seraient difficiles à amortir. «  »Nous conseillons qu’ils ne dépassent pas les 10 % », précise Raphaëlle Sebag.

Trois à six ans maximum.

Selon le rapport Lavenir, un CIS doit durer en 3 et 6 ans. Cette temporalité permet de casse le cycle infernal de l’annualisation budgétaire qui pèse sur les développements de projets associatifs, mais elle limite aussi l’amplitude des projets car, au-delà de six ans, il devient difficile de convaincre un investisseur. Dernier critère très important, l’objectivation de la mesure d’impact, sans quoi, il est impossible d’établir les seuils de réussite du projet et donc son règlement financier… Ce dernier critère peut sérieusement limiter le champ d’application possible. S’il paraît aisé de mesurer un taux de non récidive de jeunes délinquants sur deux, le taux de retour à l’emploi d’une population cible, il sera plus difficile d’évaluer l’amélioration de la cohésion sociale d’un territoire ou l’évolution du bien être de la population « Les indicateurs retenus doivent être mesurables sans coût excessif. Il vaut mieux aller vers un objectif unique ou plusieurs, mais qui convergent », précise Frédéric Lavenir.

Inclusion et économie circulaire en point de mire

Le rapport Lavenir devrait permettre de simplifier l’accès au CIS en capitalisant les expériences antérieur et en « dédramatisant » aussi le concept, notamment auprès des collectivités. Pour autant, le CIS n’en devient pas aisé à manipuler pour qui n’a pas les reins assez solides.  Le profil de l’association type est dès lors celui d’une association de dimension départementale, voire nationale capable d’assumer les coûts de structuration, mobiliser des ressources humaines sur la gestion et assumer le coût de l’évaluation. Frédéric Lavenir ne veut toutefois pas fermer la porte aux plus petites structures : « si le CIS regroupe des petites structures pour réaliser une parfaite réplication d’un CIS réussi, les coûts de structuration seront quasi nuls, c’est envisageable. « Quant au champ d’activité, mieux vaut travailler dans l’insertion et l’accès à l’emploi, l’accès au logement ou encore l’économie circulaire, puisque le prochain appel à projet ciblera ces trois secteurs.

FPR comme Fonds de paiement au résultat

L’annonce de la future relance par le gouvernement d’une vague de contrat à impact social s’est accompagné d’une autre. En réponse aux préconisations de Frédéric Lavenir, un Fonds de paiement au résultat sera prochainement lancé, doté de 30 millions d’euros. Ce FPR servira abondé par les tiers payeurs, c’est-à-dire la collectivité ou l’autorité publique qui signe le pacte afin de garantir à l’investisseur sa capacité à rembourser sa mise en cas de résultat positif. En effet, certains des CIS avortés ont pu souffrir d’une relative insécurité de la collectivité à être en capacité ou en volonté de régler le coût du projet. Le FPR devrait sécuriser cet aspect et mettre de l’huile dans les rouages. Difficile toutefois de connaître l’organisation opérationnelle de ce FPR. Les expériences à l’étranger montrent qu’ils sont en général porté par un opérateur public. Mais il est aussi possible que des fondations d’entprises puissent devenir, elles aussi tiers-payeurs. Emmanuel Faber, PDG du Groupe Danone a d’ailleurs salué la création prochaine du FPR, lui qui vient de lancer avec l’OCDE et une trentaine de multinationales le Fonds Business for inclusive growth (B4IG) « nous l’expérimenterons ensemble sur le B4IG », a-t-il annoncé dans un tweet.

Rendez-vous au printemps 2020 pour connaître les détails des CIS 2e génération.

 

La première génération de CIS, concept anglo-saxon, a généré de nombreuses inquiétudes en France, peu habituée à voir l’investisseur privé s’insérer dans les process de financement de l’action publique.
Pour signer un CIS, il faut être trois. L’association, d’une part, qui porte un projet d’intérêt général et souhaite être subventionné par la puissance publique, que ce soit une collectivité territoriale (les Conseil départementaux sont logiquement particulièrement attendus car très présents sur les politiques sociales et d’inclusion) ou l’Etat (un Ministère). Afin de faciliter l’engagement de l’Etat, un troisième acteur intervient qui est l’investisseur privé. Lui a des fonds disponibles et certains sont prêts à investir dans un projet dont l’impact social est prometteur. L’investisseur se charge alors de financer le projet de l’association sur une période déterminée au terme de laquelle, on vérifie que le résultat social est atteint. Si tel est le cas, la collectivité rembourse l’investisseur avec paiement des intérêts corrélé au niveau de réalisation de l’objectif social. Si l’objectif n’est pas atteint, la collectivité ne rembourse pas ou bien en partie seulement l’investisseur.
Les promoteurs du CIS expliquent qu’ainsi la collectivité limite les risques de l’engagement de fonds publics, et justifient le versement d’intérêt en cas de réussite par l’économie générée pour la collectivité du fait des dépenses évitées (diminution du coût social du chômage, réduction des coûts d’incarcération en faisant diminuer le taux de récidive chez les jeunes délinquants…)

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