QVT et numérique : les angles morts de la perception des salariés

28/06/2016
Actualité
L’enquête Anact TNS Sofres sur la perception du numérique par les salariés dresse un panorama globalement positif quant à leur qualité de vie au travail. Un résultat qui révèle en creux  une prise de conscience partielle par les salariés des impacts des nouvelles technologies sur l’organisation du travail.

73 % des salariés et 90 % des chefs d’entreprises sont optimistes en ce qui concerne les conséquences du numérique sur l’avenir de leur entreprise. Et 67 % des salariés sont confiants en ce qui concerne ses conséquences sur leur propre avenir. Ajouter à cela que la très grande majorité des salariés (86 %) se disent à l’aise avec les technologiques numériques dans leur vie professionnelle, et le tableau idyllique de la révolution technologique sera complet. Ces résultats, issus de la première enquête réalisée par l’Anact sur ce thème étonnent pourtant jusque dans les rangs de l’Anact. « D’autres enquêtes du même type donnent le même type de réponse. Mais peut-il y avoir un biais ? » se demande Olivier Mériaux, directeur technique et scientifique de l’Anact, lors de la présentation des résultats. Vincent Mandinaud, chargé de mission à l’Anact explique : « les personnes interrogées qui assimilent leur familiarité avec le numérique avec leur maîtrise de certains outils informatiques (usage d’un ordinateur,  d’internet)  sont bien loin d’évoquer les changements profonds engendrés par le numérique sur le travail. »

Ces résultats apportent donc au moins une certitude : les salariés n’ont plus peur des nouvelles technologies au sens où ils se sont fait à leur omniprésence, quelque soit le secteur d’activité. De fait,  leur utilisation s’est généralisée. Selon la dernière enquête Conditions de travail de la Dares, les trois quart des salariés utilisaient pour leurs besoins professionnels un matériel informatique en 2013 contre 50 % en 2005.

Quelques points de vigilance

L’enquête de l’Anact  pointe tout de même quelques points de vigilance soulevés par une partie des répondants. D’une part, un salarié sur trois souligne les effets négatifs du numérique sur la charge de travail, la pression et le stress. D’autre part, si 47 % des chefs d’entreprise estiment que le numérique a eu des conséquences positives sur la possibilité des salariés à donner leur avis sur le management et participer aux prises de décision, seuls 27 % des salariés soulignent cet effet positif du numérique. Ce qui fait dire à l’Anact que « l’avènement du management collaboratif reste à venir ». L’enjeu du numérique relève aujourd’hui de la  gestion des ressources humaines afin que les profondes évolutions qui touchent l’organisation du travail ne se fassent pas au détriment de la qualité de vie au travail.

La reprise de l’intensification du travail a été  soulignée par la Dares en 2014. Bien qu’aucune étude n’établisse objectivement la corrélation entre numérique et intensification du travail, il est réaliste de le supposer comme l’ont fait dès 2012 Tristan Klein (France Stratégie) et Daniel Ratier (Direction générale du travail) dans leur rapport sur L’impact des TIC sur les conditions de travail. Les nouvelles technologies permettent de « faire plus vite », de concentrer un certain nombre de tâches sur une personne, là où il en fallait plusieurs auparavant… générant une  fragmentation du travail : « un salarié doit de plus en plus gérer des flux interrompant qu’il faut pouvoir réguler car ils sont source de tension, de rupture d’attention qui peuvent générer des risques psycho-sociaux », explique Vincent Mandinaud. « Les demandes de télétravail permettent souvent de sortir de ces flux », constate-t-il. Fragmentation du travail, hyper sollicitation,  Et si les « travailleur du savoir » sont concernés, d’autres sont encore plus exposé aux risques, comment dans la distribution ou la logistique qui usent du numérique pour anticiper et  programmer les tâches à la place de l’employé qui perd alors toute marge de manœuvre.

Rationalisation versus fragmentation du travail, autonomie versus isolement ou hyper responsabilisation… le numérique est une médaille à deux faces dont il faut se préoccuper pour que l’impact reste positif.

Accroître l’expertise sur les impacts cachés

Le champ d’investigation des impacts du numérique sur les conditions de travail devra s’élargir dans les prochaines années pour  traiter  les angles morts qui persistent et combiner autant le traitement statistique avec des remontées d’expériences de terrain.  Une matière particulièrement complexe tant se croisent les mutations de l’organisation du travail avec celles de notre rapport au travail. Par exemple, la création récente  d’un droit à la déconnexion semble dors et déjà désuet dans un monde où  l’hyperconnexion est intégré par une large partie de la population que ce soit pour son travail ou dans sa vie privée. « Il ne suffira pas d’édicter ce droit pour que derrière de nouvelles pratiques se mettent en place, plus vertueuses. Sur ce point là nous sommes tous maître et esclave. », résume Olivier Mériaux.

A noter qu’il serait toujours possible de s’appuyer sur le 3e  Plan santé au travail adopté en décembre 2015. L’Action 1.21 « Veiller aux conditions d’usage des outils numériques » de ce plan propose de sensibiliser les entreprises à la nécessité d’intégrer dans l’évaluation des risques les questions liées au numérique (charge de travail, configuration des outils, charge informationnelle, etc.) ; développer la formation des acteurs en entreprise à ces enjeux ».

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