Sabah, interventions au domicile à l’épicentre du Covid-19

24/03/2020
Actualité
Derrière les masques #01 : Sabah Vetter ne compte plus ses heures depuis le début de la crise sanitaire à Mulhouse. Auxiliaire de vie à domicile au sein du réseau associatif APA, cette mère de famille nous raconte l’intensification de son travail, sa motivation et la solidarité pour limiter l’isolement professionnel.
Face à la crise sanitaire, le Fil CIDES change son format et alimentera quotidiennement une chronique qui raconte le quotidien des salariés, bénévoles de l’ESS qui agissent pour la santé, la solidarité et le lien social. Les premiers épisodes de #Derrièrelesmasques s’intéressent aux équipes du Réseau APA, groupe associatif sanitaire et social situé dans le Haut-Rhin, à l’épicentre de l’épidémie en France.

Sabah Vetter nous répond au téléphone alors qu’elle vient de remonter dans sa voiture après sa cinquième intervention de la journée. Il est 9 heures 30. Autour d’elle, les rues sont désertes. « Je ne croise en voiture que des salariées du soin, des infirmières. On se connait toutes sur le secteur ».

Cadence élevée

Sa journée a débuté à 7 heures. Elle a assuré le lever et la toilette de cinq personnes. « Nous avons priorisé les bénéficiaires qui ne peuvent se lever et se nourrir seuls car la moitié des auxiliaires doivent s’occuper de leurs enfants ou sont malades », raconte Sabah qui fait partie des 1500 aides à domicile du réseau associatif APA. Le télétravail n’existe pas dans l’aide à domicile… Porter, laver, habiller, porter à nouveau, aider au repas… « c’est difficile en temps normal, mais ça l’est encore plus en ce moment ». La cadence a augmenté et il n’y a plus d’intervention légère. Sans compter qu’il faut respecter les gestes barrières. « Nous portons des masques, des gants, mais quand vous faites la toilette, évidemment vous êtes en contact avec la personne… » rappelle Sabah.

« Quand je raccroche avec vous, je pars préparer une personne pour sa dialyse. Ensuite, j’ai trois ou quatre interventions pour le repas de midi. Ah ! Et je dois aussi passer chez une dame de 75 ans. Elle est malade, seule et très stressée. Je viens juste pour la rassurer, lui expliquer ce qui se passe… »

Solidaire face à l’isolement

La crise sanitaire a accentué l’isolement professionnel dans lequel baignent ces ouvrières du domicile. Elles travaillent seules, sont presque les seules à circuler dans les rues entre deux interventions. Et de retour à la maison, ça continue… Sabah y retrouve son mari qui travaille de nuit et son fils de 12 ans, privé d’école depuis le 9 mars. Mais le repas c’est chacun dans sa chambre ! « J’ai peur pour eux, qu’ils soient malades à cause de moi. Et quand je rentre, C’est d’abord la lessive, les chaussures dans le balcon et la douche … » La bonne nouvelle vient de son garçon : « ça le change tout ça, il débarrasse sa table, il fait sa chambre… »

Heureusement la solidarité joue à plein entre collègues. « On s’appelle tous les jours entre nous, on se donne du courage pour tenir ». Et la direction a mis en place une cellule d’écoute psychologique : « on a cinq psy qu’on peut appeler de manière anonyme. J’ai une collègue qui a appelé hier, elle avait peur de craquer. »

Un contexte anxiogène

« La situation est extrêmement anxiogène » estime Matthieu Domas, directeur général du Réseau APA. Ce réseau associatif, historiquement implanté dans le Haut-Rhin compte plus de 5000 salariés sur tout le Grand-Est et la Bourgogne sur tout le champ des activités sanitaires et médicosociales. « Nous n’avons pas de gros problème de ressources humaines puisque nous avons stoppé toutes les activités qui n’étaient pas essentielles. Mais nous manquons d’équipements de sécurité alors que nous nous préoccupons autant de protéger nos salariés que nos bénéficiaires. » Une centaine de bénévoles ont réactivé en quelques jours une plateforme téléphonique, habituellement prévue en période de canicule. Ils contactent les milliers de bénéficiaires des services à domicile afin de s’assurer qu’ils vont bien, prévenir des annulations d’intervention (le ménage notamment) et d’évaluer les besoins. « Nous avons expliqué à nos autorités de tutelle que sans équipement nous ne pourrons plus intervenir. Or nous sommes là aussi pour faire le lien entre des personnes vulnérables et l’hospitalier en cas de besoins », rappelle Mathieu Domas. « Nous n’avons pas eu de décès au domicile heureusement. Mais nous devons nous y préparer. »

 


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