Index égalité, violence sexistes et sexuelles, métiers féminisés…Sophie Binet en charge de l’égalité professionnelle à la CGT, revient sur les chiffres de l’Observatoire égalité femmes-hommes dans l’ESS et sur l’accord de 2015 signé avec l’Udes.
L’accord sur l’égalité femmes-hommes de novembre 2015 avait été signé par toutes les organisations représentatives dont la CGT. Quels sont les points forts du texte ?
Nous voulions un accord qui couvre l’ensemble des champs de l’égalité pro et donc notamment un volet sur les violences sexistes et sexuelles ce qui avait été compliqué à obtenir. Mais nous l’avons obtenu. A l’époque, on était avant #Metoo, et le thème était peu utile car ne relevant pas des relations de travail. Le deux point important est que l’accord porte bien sur l’ensemble des sujets à regarder pour traiter des inégalités salariales : la question des temps partiels, des métiers dévalorisés dans lesquels sont concentrées les femmes, la question des carrières et, enfin, de la part variable de la rémunération ; Et.
Autre élément important : nous avons obtenu une clause disant qu’il y avait un objectif de suppression des écarts de rémunération sous cinq ans. Et enfin, nous tenions à ce que ce soit un accord normatif. C’est-à-dire que les branches soient tenues par les dispositions de l’accord. C’est un point bloquant au niveau de l’Udes. Car comme le champ est peu structuré et il n’y a pas vraiment de cadre sur la portée de la négociation collective, on a des chartes de bonnes pratiques ou des accords de principe mais qui ne sont pas engageants pour les branches. C’est le problème de la subsidiarité. Là l’accord est différent et contourne en quelque sorte cette subsidiarité.
Trois accords ont été signé après l’accord cadre (voir l’article Une ESS toujours féminisées et toujours des inégalités) et une autre pose le sujet sur la table cette année. Comment jugez-vous l’attitude des branches (voir une ESS toujours féminisée et toujours des inégalités) ?
La dynamique conventionnelle reste trop faible. Certains branches n’ont pas encore d’accord. Autrement dit, les dispositions ne nous semblent pas prises pour respecter la clause prévoyant la disparition des écarts de rémunération sous cinq ans.
L’Etat des lieux publié récemment par l’Observatoire national de l’égalité femmes-hommes dans l’ESS rappelle que le secteur compte de nombreuses branches aux métiers féminisés est mal valorisés. Dès lors, les progrès ne reposent-il pas aussi sur l’action des pouvoirs publics ?
Cela dépend des secteurs. Sur tout ce qui est secteur du soin, des services à la personne, de la prise en charge de la petite enfance ou des personnes âgées dépendantes, on a besoin d’une discussion collective avec les pouvoirs publics et d’un investissement collectif sur ces secteurs afin de revaloriser ces métiers.
Qu’est-ce qui vous marque particulièrement dans cet état des lieux ?
Les violences sexuelles et sexistes sont dans l’angle mort de ce panorama. Il n’y a aucune info. Alors je sais pourquoi, c’est parce qu’ils n’ont pas de données, mais cela s’organisent, et à défaut de données, on fait un sondage… qui peuvent dirent des choses déjà. La question des violences sexistes et sexuelles est une question sur laquelle l’ESS peut agir directement.
On pourrait aussi espérer une ESS à la hauteur sur l’égalité salariale chez les cadres, puisqu’on y trouve une échelle des salaires moins importante
Et puis il y a la question des temps partiels où justement tout l’enjeu est de pouvoir travailler sur des solutions de multi employeur, éviter des emplois du temps à trou. Et tous les travers de ce qui existe quand on est dans le contexte du particulier employeur. On a le sentiment qu’on est en dessous des solutions qui pourraient être construites par le secteur pour éviter une précarisation du travail des femmes, notamment en réponse au modèle du particulier employeur.
Ces alternatives permettent une sécurisation des salariées avec un vrai cadre de travail collectif. C’est très important, notamment quand on pense aux problématiques de violences sexuelles et sexistes.
Parce que si toutes les salariées sont potentiellement confrontées à ces violences, il y a des facteurs de risque. Et parmi ces facteurs de risque il y a l’isolement. Isolement, soit dans son lieu de travail, soit dans son sexe, soit face du client ou à l’usager. Hors du collectif de travail, on est plus exposés à ce risque et, en plus, quand on est dans le contexte du particulier employeur, on n’a pas d’autre choix que de résilier sa mission, parce qu’il n’y a pas de médiation possible.
Ce n’est pas pour rien qu’on a prévu un volet spécifique sur ce sujet dans l’accord Udes.
Vous décrivez la mise en œuvre de l’index égalité, entré en vigueur le 1er mars comme une victoire qui se transforme en recul… Pourquoi ?
C’était une victoire pour nous que d’obtenir, dans la loi de 2018 sur la formation professionnelle, un nouvel outil qui créer une obligation, pour les entreprises de résorber les inégalités de salaire. Mais, comme souvent, les lobbies s’engouffrent au moment de la rédaction des textes réglementaires pour vider de sa substance ce qui est dit dans la loi. C’est ce qui s’est passé malheureusement. Car en matière d’égalité de rémunération la question c’est comment on compte. Et l’index égalité salarial a été construit sur mesure pour occulter les principaux facteurs d’inégalité de rémunération.
On ne peut même garantir qu’une entreprise qui a 90/100 est plus vertueuse qu’une entreprise qui aurait 80 car on ne peut pas vérifier s’il y a eu maldonne dans la construction de l’index dans telle ou telle entreprise.
D’autant qu’il y a un défaut de transparence puisque le décret impose à l’entreprise de communiquer auprès des salariés sur la note globale et pas sur le détail. Certaines entreprises font le jeu du dialogue social et on peut certifier que l’index correspond bien à la réalité. D’autres, on ne sait pas…
Mais la loi a aussi prévu des obligations de plan d’action, voire des sanctions…
Les mises en demeure et sanctions ne se déclenchent que s’il n’y a pas de publication de l’index, mais pas si l’index est bidonné.
C’est une occasion manquée, et il y a urgence à répondre aux demandes des organisations syndicales parce que le risque c’est de transformer cet outil comme un outil contre les femmes car il y permet à des entreprises de dire circulez, il n’y a rien à voir.