Un rapport parlementaire sur les difficultés du monde associatif a été rendu public le 20 novembre. Après avoir enquêté et s’être « efforcés d’écouter les attentes profondes » du secteur, les auteurs du texte émettent des propositions applicables rapidement. Décryptage de certains points.
Issu d’une commission d’enquête demandé par des parlementaires de gauche au mois de mai, le rapport sur les difficultés du monde associatif, dont le président est Alain Bocquet, député communiste et la rapporteure Françoise Dumas, députée PS, arrive à un moment où pour les associations « les obstacles ne cessent de s’accumuler et de peser sur le tissu associatif, au point d’affaiblir son action au bénéfice de nos concitoyens », indique Alain Bocquet. Un rapport, publié après six mois d’audition, nourri de 180 témoignages de personnes du monde associatif, la palette est large, qui met au jour les points cruciaux qui affaiblissent la vie associative, et « explore un certain nombre de pistes » sur fond d’une demande de reconnaissance et d’une plus grande confiance de l’administration et des institutions envers le mouvement associatif ».
Quelques constats
La question des ressources financières constitue un des problèmes essentiels des associations, quel que soit le secteur d’activité : ressources, affaiblissement des fonds propres et des financements publics, qui diminuent en valeur relative, tandis que les budgets des structures augmentent « significativement ». Le rapport rappelle à ce sujet les travaux de Viviane Tchernonog (CNRS. Centre d’économie de la Sorbonne) qui indiquaient que les ressources publiques représentaient en 2011, 49,4 % des ressources des associations contre 50, 6 % des ressources privées (en 2005, le ratio était inversé). Et Jean-Pierre Vercamer, ancien député, désormais, associé responsable du département audit du secteur associatif au cabinet Deloitte a expliqué aux membres de la commission d’enquête que « l’on a sans doute jamais vu autant qu’en 2013 d’états de cessation de paiement… Le nombre de procédures d’alerte – qui correspondent à la découverte d’événements contrariant la continuité d’exploitation de la structure – a augmenté de quelque 17 % par rapport aux années 2011 et 2012 ».
Des évolutions
Dans un contexte budgétaire contraint pour les collectivités, les difficultés de relations financières entre associations et les collectivités territoriales sont largement abordées dans le rapport. Un point de tension ressenti par de très nombreuses associations – et plus particulièrement pour celles qui emploient moins de 20 salariés -. Ce qui traduit une situation inédite : les conseils généraux sont devenus les premiers partenaires en volumes de financement des associations ; et les collectivités passent de plus en plus par le système des commandes publiques au détriment des subventions.
Commande publique, est-ce la solution ?
La commande publique qui concerne, pour une grande part, le secteur de l’action sociale et de la santé est fortement contestée par les associations. Elle offre bien sûr des avantages pour les collectivités (une certaine sécurité juridique par rapport au droit européen, davantage de rationalisation de la dépense publique, etc.), mais les associations semblent vraiment ne plus vouloir passer par ce système : « Elles font valoir que ce procédé les fait entrer dans une logique de marchandisation et de concurrence, dont elles sont éloignées de par leur modèle non lucratif et les valeurs dont elles sont porteuses ».
Emploi en danger ?
L’emploi associatif connaît une « précarisation croissante », dont l’augmentation des CDD témoigne, comme l’observait Viviane Tchernonog (CNRS-Centre d’économie de la Sorbonne) dans son enquête publiée en 2012, les CDI représentaient 53 % de l’emploi en 2005, en 2011, on en comptait 47 %. Ce sont surtout l’éducation et la culture qui sont les plus affectées par ce phénomène. Cependant, pour Françoise Dumas, rapporteure de la commission d’enquête, il faut rester prudent par rapport aux propos du Collectif des associations citoyennes, qui a annoncé 200 000 emplois menacés d’ici 2017. « Ce chiffre ne provient en aucune façon du rapport. Il est extrêmement compliqué d’évaluer un tel chiffre. L’emploi associatif demeure dynamique, malgré sa précarisation. Il a subi les effets de la crise avec un léger retard autour de l’année 2011 mais s’est bien rétabli par la suite, retrouvant le niveau de 2010 ».
Des pistes pour s’en sortir
Parmi les préconisations du rapport, figurent :
- au cœur des questions financières, l’idée de mettre en place un fonds à la trésorerie des associations pour renforcer les fonds propres avec des excédents raisonnables ; généraliser le versement, au moins partiel, des subventions publiques le plus tôt possible dans l’année.
- au cœur des relations entre les collectivités territoriales et les associations, le rapport recommande « une actualisation de la circulaire du 18 janvier 2010 qui rappellerait le caractère subsidiaire de la commande publique par rapport à la subvention, en associant les associations à sa révision ; inviter les collectivités publiques à ne conditionner l’octroi de subventions à la mutualisation des moyens qu’à l’issue d’un examen partagé des risques et bénéfices attendus avec les associations concernées ». Et bien sûr faire vivre la charte d’engagements réciproques entre associations, l’Etat et les collectivités. Une urgence car pour le moment, elle semble en être à ses balbutiements.
- Sur les questions d’emploi, le rapport préconise de « promouvoir de façon plus active le dispositif de groupement d’employeurs auprès des associations et de développer les dispositifs locaux d’accompagnement ».
Voir aussi l’interview de Francoise Dumas, rapporteure de la commission d’enquête : « Les associations ont besoin d’une véritable politique d’emploi associative »
© photo : Anne-Sophie Mauffré