[INTERVIEW] 2025… L’incertitude est à son maximum sur les moyens financiers des associations. Pour Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, « on ne pourra pas supporter une crise supplémentaire ». En compagnie de Martin Bobel, Co-rapporteur d'un avis sur le financement des associations au Conseil économique social et environnemental, elle nous donne les chiffres clés sur la santé économique des associations, les pistes d’évolution des financements publics et les nouveaux termes du plaidoyer associatif.
Les difficultés des associations à se financer est un sujet récurrent dans l'économie sociale et solidaire. La part des subventions s’est réduite dans les budgets des associations, remplacées en proportion par les financements par appels d’offre. Cette mutation n’est pas qu'une technique selon les deux invités de notre podcast, Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif et Martin Bobel, vice-président du Mouvement associatif et co-rapporteur au Conseil économique social et environnemental de l’Avis sur le financement associatif. Elle est le révélateur d’une « marchandisation » de l’action associative. Autrement dit, l’association serait de plus en plus un tiers à qui l’Etat demande de mettre en œuvre une politique publique, et de moins en moins un collectif de citoyens qui s’associent pour édifier des réponses pertinentes à des besoins sociaux territoriaux ou nationaux. Nos deux interlocuteurs décrivent donc un appauvrissement du fait associatif et une remise en question de la liberté associative du à cette transformation des modalités de financements, en même temps que l’amaigrissement de l’enveloppe financière.
Ecoutez notre podcast ou découvrez les verbatims de l’entretien que Claire Thoury et Martin Bobel nous ont accordé. L'Avis du CESE Renforcer le financement associatif, une urgence démocratique a été adopté à l’unanimité en 2024.
Une fragilité financière aigue
Claire Thoury
« 30 % des associations ont moins de trois mois de trésorerie. C’est un niveau de fragilité préoccupant. »
« En avril, de nombreuses associations ne savent toujours pas de quel budget elles disposeront cette année. Ce n’est pas seulement une question de retard de versement : elles ne savent même pas si les financements seront renouvelés.
« Ce n’est pas inédit que les budgets arrivent tard, mais là, les incertitudes sont particulièrement fortes. »
Martin Bobel
« On vit un moment budgétaire très tendu, avec un contexte inédit : inflation, restrictions, et erreurs dans les projections de croissance (par l’administration du Trésor, ndlr) qui aggravent encore la situation. »
La « marchandisation » de l’action associative
Martin Bobel
« Le financement public des associations glisse d’un modèle basé sur la subvention vers un modèle concurrentiel. On appelle ça la marchandisation du secteur associatif. »
« La subvention finance une initiative citoyenne. La commande publique répond à un besoin défini par l’État. Ce n’est pas la même logique. »
« On voit émerger une remise en question des libertés associatives à travers les outils de financement. Moins de financement, c’est moins de liberté d’agir. »
Claire Thoury
« L’évolution vers la commande publique a transformé en profondeur le financement des associations. On ne soutient plus une initiative associative, on passe commande. Ce n’est pas neutre. »
« Nous nous battons depuis un certain nombre d'années contre le contrat d'engagement républicain et contre toutes les atteintes aux libertés associatives. Mais quand on dit ça, en fait on se bat de nouveau sur la question du financement. Le droit d'association est constitutionnalisé. Le droit au financement des associations, lui, ne l'est pas. Ça veut dire que quand on veut attaquer les libertés associatives, on attaque le financement des associations. »
Ouvrir le débat sur le financement des associations
Claire Thoury
« Le tissu associatif tient aujourd’hui la Société française. Il est temps de le reconnaître et de lui garantir un financement stable et pérenne. »
« La situation est grave, mais le monde associatif reste soudé et prêt à construire une réponse politique sérieuse. Il faut dépasser la dépendance à la bonne volonté du pouvoir politique. »
Martin Bobel
« Nous plaidons pour un socle de financement garanti, qui ne puisse pas être supprimé au bon vouloir d’un élu. Il y a urgence à inventer un autre modèle. » « Il faut s’inspirer d’expériences comme celle de la Ville de L’Ile-Saint-Denis, où le Conseil de la vie associative décide du budget dédié aux associations. Le Conseil municipal agit comme chambre d'enregistrement »