[DECRYPTAGE] Lors de son Congrès, l'ESS a pris date avec l'avenir, en commençant par le débat présidentiel. L'ensemble des représentants de l'ESS, membres de la Chambre française de l'ESS (ESS France) ont affirmé solennellement leurs "raisons d'agir" dans une Déclaration d'engagement pour une République sociale et solidaire, le 10 décembre. Retour sur une journée entre enthousiasme et mesure face aux défis à relever.
Par ces temps de crise sanitaire, les occasions de se retrouver ne sont pas si fréquentes. Cela explique en partie que plus de 700 représentants territoriaux, des réseaux, fédérations, syndicats d'employeurs et acteurs de l'ESS se soient inscrits au Congrès de l'ESS qui ne pouvait en accueillir que 450.
Mais l'ESS ne devait pas se résumer à des retrouvailles entre amis, "masques tirés" et "check du coude" à Paris. L'enjeu était pour ESS France que toutes les parties-prenantes de cette Economie sociale et solidaire se retrouvent autour d'un message politique actualisé, fédérateur sans être dilué et resserré sur leurs ambitions partagées
Démocratie en péril
"A une époque où des principes fondamentaux de notre démocratie sont contestés (...) Il n'est pas inutile de rappeler que l'ESS incarne depuis la fin du XIXe siècle, une bonne partie de la promesse républicaine et de notre contrat social et les fait vivre." explique Jérôme Saddier, le président d'ESS France dans notre podcast.
Sur le fond, la Déclaration d'engagement pour une République sociale et solidaire est d'abord une déclaration d'adhésion à notre modèle Républicain et à la vocation de l'ESS à le faire vivre. Le préambule précise aussi que l'ESS assume une ambition de transition, a contrario d'une démarche de révolution : "l'ESS ne s'érige pas en "contre-société", elle assume sa place au sein de la vie politique, économique et sociale du pays et des enjeux que nous devons relever collectivement."
Sur le plan de l'action économique, le texte du préambule retient surtout l'aspiration historique de l'ESS au réencastrement de l'économie dans la société. Jérôme Saddier annoncera en fin de journée adresser cette déclaration aux candidats à la présidentielle "pour leur dire que nous nous sentons responsables et acteurs de notre économie, de notre société, de notre pays, de notre République et de notre avenir commun."
Une manière de rappeler que l'ESS n'est en rien une économie de suiveurs mais une pionnière, un poste avancé des tendances contemporaines de l'entreprise : connexion à son territoire, raison d'être en prise avec les enjeux sociaux et environnementaux.
Le préambule s'achève d'ailleurs par un paragraphe que toute entreprise de l'ESS est invitée à intégrer dans ses statuts et qui rassemble en quelques lignes cette aspiration à "un monde meilleur". Un clin d'œil appuyés aux entreprises de capitaux qui affirment désormais leur "raison d'être" dans leurs statut, ainsi que le permet la Loi Pacte.
La raison d’agir de l’économie sociale et solidaire est d’orienter le progrès, dans toutes ses dimensions, à la fois sociale, économique, démocratique, citoyenne et écologique. L’ESS s’efforce d’organiser les mutations des modes de production et de consommation imposées par l’urgence écologique et sociale en développant le pouvoir d’agir par l'engagement et le pouvoir de vivre du plus grand nombre. Elle se fonde sur la liberté, l’égalité, la solidarité, la responsabilité, la démocratie et la raison. L'ESS est la norme souhaitable de l’économie, qui démontre par la preuve que la prospérité peut être inclusive et atteinte en respectant les limites planétaires avec l’implication de toutes et tous.
Des engagements resserrés
Au sein d'ESS France et parmi ses membres, on loue le caractère resserré de cette Déclaration d'engagements qui évite l'écueil de la dilution en concentrant ses principes d'action dans sept courts articles : propriété ou dimension collective des biens construits, juste partage de la valeur, finalité collective, émancipation individuelle et collectives des personnes, inter coopération et enfin, promotion de la paix, des droits sociaux, humaines et culturels, l'action pour le climat et la biodiversité.
Alors évidemment, aucune sanction ne tombera pour les faux pas ou les errements de tel ou tel qui ne respecterait pas ces engagements. C'est la faiblesse consubstantielle d'un tel texte qui relève de la seule vertu de ceux qui le signent et prêtera ainsi la joue à ses détracteurs. Mais l'enjeu de ce Congrès était de resserrer les rangs autour d'un axe de plaidoyer recentré et le texte a été défendu par tous. "la Fehap portera l'ambition de cette Déclaration", explique Marie-Sophie Desaulle, présidente du syndicat employeur du secteur hospitalier et sanitaire et social non-lucratif. Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif salue" la réussite du Congrès" et le rôle des associations. Jean-Marc Pautras, délégué générale du Centre français des fonds et fondations salue cette réaffirmation des "raisons d'agir", rappelant que "les fondations s'inscrivent déjà statutairement dans l'intérêt général qui n'a de raison d'être que dans l'action". Jean-Louis Bancel, président de Coop Fr trouve pertinent que " l'ensemble de l'ESS soit jugé sur ses actes."
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Tout au long du Congrès, nous avons interrogé des personnalités de l'Economie sociale et solidaire pour tenter de relever comment la diversité des acteurs pouvaient se retrouver autour de ces Raisons d'agir.
Quelle est votre raison d'agir ? Et si l'ESS était une série télé ou un film ? Deux questions, des réponses courtes et souvent inattendues de ceux qui font l'ESS...
Un congrès et après ?
L'autre tendance imprimée sur ce Congrès est déjà dans le "En maintenant ?". Nombreux sont ceux qui saluent la Déclaration d'engagement tout en rappelant que le plus dur reste à faire : agir, transformer, convaincre. Cela implique de faire vivre cette Déclaration d'engagement et pousser l'ambition affichée d'être la "norme souhaitable de l'économie".
Certains axes se dessinent déjà, que ce soit par un forme de conquête économique où l'ESS viendrait de manière collective sur des secteurs où elle n'est pas encore ou pas suffisamment présente, ou encore dans une réflexion approfondie sur ce que Jérôme Saddier décrit comme "une forme d'angle mort dans l'ESS" qui est l'explication du partage de la valeur économique par l'ESS : " Cela rejoint la question plus globale de la performance économique que nous n'incarnons pas de la même manière que le reste de l'économie et qu'il faut encore expliciter." La campagne présidentielle sera un premier champ d'expression, d'autant qu'aux vues des déclarations vidéos des candidats diffusées durant le débat final du congrès, l'effort d'explication est nécessaire pour la plus grande partie des candidats du spectre républicain. Jérôme Saddier le rappelait en conclusion du Mois de l'ESS le 2 décembre, l'ESS mène un projet qui la dépasse : "L'ESS agit, non pas pour l'ESS, mais pour construire un monde meilleur."