L’ESS fait bloc face aux coupes budgétaires

17/10/2024
Projet de loi de finance 2025 ESS France économie sociale et solidaire

(Actualisé le 6 novembre ) L’Udes évoque le risque d’une disparition de 186000 emplois en raison des réductions de budget de l'Etat. ESS France et ses adhérents tirent la sonnette d'alarme sur leurs impacts, que ce soit sur les organisations, ou sur le recul des réponses aux besoins sociaux des personnes qui ne cessent d'augmenter.

 

8,3 milliards de coupes budgétaires

C'est une course contre la montre qui s'est engagée depuis la présentation du projet de loi de finance (PLF). Les 43 milliards d'économie annoncés dans le budget de l'Etat pour 2025 touchent l'ensemble de l'économie. Chaque fédération professionnelle, organisation de lobbying va tenter de "limiter la casse" pour soi-même d'ici à l'adoption définitive du budget par les parlementaires. L'Union des employeurs de l'économie sociale (Udes) évalue à 8,3 milliards d'euros la part de ces économies qui serait retirée aux ressources des structures de l'économie sociale et solidaire.

Ce calcul prend en compte autant les financements fléchés vers l'ESS ou la vie associative, que ceux qui alimentent l'action sociale, médico-sociale (que l'on trouve dans le Projet de loi de financement de la sécurité sociale), les aides à l'emploi, dont bénéficie le secteur non-lucratif ou encore la baisse des dotations aux collectivités territoriales (5 milliards d’euros) qui, elles-mêmes en usent pour financer des politiques sociales réalisées, notamment par les associations. On peut citer l'aide et le soin à domicile, la prise en charge du grand âge ou encore du handicap, trois politiques mises en oeuvre par les Conseil départementaux. L'Udes agite le risque d'une destruction de 186 000 emplois en 2025. Soit environ 7,75 % de l'emploi dans l'ESS.

5 millions en moins pour l'ESS sur les territoires

L'ensemble des grandes familles de l'ESS se sont réunies pour manifester leur colère. « Nous ne pouvons pas être la seule économie qui se paie de mots, nous voulons des euros », a martelé Benoît Hamon, président d'ESS France. L'ancien ministre fait référence, en particulier, à la baisse de 25 % du budget de Bercy pour soutenir l'organisation qu'il préside, les Chambres régionales de l'ESS, les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et le Dispositif local d'accompagnement (DLA). Benoît Hamon s'étonne d'autant plus que ce budget, qui passe de 22 à 17 millions d'euros, relève de "l'épaisseur du trait" dans le budget global, évidemment, mais ne pèse que 2 % du programme des "actions stratégiques" qui, lui-même ne baisse pas. Pourquoi nous ? Semble-t-il dire.

Parmi les autres baisses que l'on connaît déjà, les tiers-lieux se voient amputés de 80 % de leurs financements. Les radios associatives perdent 10 millions sur les 35 millions d'euros qui leurs étaient alloués en 2024. Le budget de la solidarité internationale est réduit de 44 % pour tomber à 500 millions d'euros, atteignant directement les ONG du secteur. Mais d'autres financements vont toucher aussi la continuité de l'activité des associations. A titre d'exemple, le Fonds Vert, chargé de financer la transition écologique alimente notamment le travail des associations qui oeuvrent à la transition énergétique (conseil, accompagnement des ménages...). Selon le projet de loi de finance, son montant doit chuter de 2,5 à 1 milliard d'euros. "Nous marchons sur la tête", s'alarme Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif. "Des besoins sociaux seront mal ou non couverts du fait des réductions budgétaires et ce sont les associations qui devront gérer les dégâts avec des moyens à la baisse. C'est un véritable cercle vicieux."

Tous touchés

De la même manière, le Centre français des fonds et fondations s'inquiète du risque d'un changement de fiscalité sur les dons et le mécénat qui viendrait limiter la générosité des français. De même, du côté de la Mutualité française, le Projet de loi de finance de la sécurité sociale (PLFSS) inquiète énormément par de nouveaux déremboursement, faisant peser, sur les mutuelles, la responsabilité de les prendre en charge. Or, environ un tiers des mutuelles française sont en déficit : "les mutuelles ne doivent pas devenir les variables d'ajustement des déséquilibres financiers de la sécurité sociale", énonce Frédéric Gouëdard, administrateur de la Mutualité française. D'autant que, ajoute-t-il, les transferts de charges prélevées sur les ressources des Mutuelles ne peuvent que se répercuter sur les cotisations des assurés. Autrement dit une nouvelle augmentation des cotisations est à craindre en 2025, après celle de 2024. "Et cela nous préoccupe fortement car notre objectif est de respecter un niveau de hausse soutenable pour que ce ne soit pas un frein à la souscription et donc à l'accès aux soins", conclut-il.

Illisibilité budgétaire

Un travail de plaidoyer est d'ores et déjà lancé par l'ensemble des ces organisations pour défendre leur cause auprès des ministres de tutelles, des députés et sénateurs qui auront à amender les deux projets de loi (PLF et PLFSS).  Mais les acteurs de l'ESS regrettent l'"illisibilité" de l'ESS dans le budget de l'Etat. Il est réparti dans l'ensemble des chapitres du texte, les entreprises de l'ESS couvrant l'ensemble des champs d'activité économique et tout particulièrement ceux relevant de politiques sociales sanitaires ou de solidarité. Cela a pour effet de diluer l'impact apparent des réduction budgétaires qui pèsent sur elle.

L'Udes a réalisé une évaluation pour rendre lisible ce que représente l'ESS en argent public et aboutit à ce chiffre de 8,3 milliards d'euros. Mais ce travail nécessiterait d'être approfondi affiné et surtout partagé afin que le dialogue avec l'Etat se fasse sur les mêmes bases de discussion. ESS France a d'ailleurs initié un travail avec le ministère de l'Economie en ce sens et espère un aboutissement au mitant de l'année 2025.

Des solutions

Du point de vue des acteurs, des solutions existent et sont multiples. Elles tiennent à la conduite de politiques publiques plus performantes et structurées. A titre d'exemple la loi sur le Grand-âge et l'autonomie, promise depuis 2017 par l'Elysée n'est toujours pas d'actualité.

ESS France avance des solutions qui pourraient animer les échanges parlementaires sur le PLF. Par exemple, la Chambre française de l'ESS propose que soit affecté au financement des Cress une fraction de la taxe aux entreprises qui alimente le fonctionnement des Chambres consulaires (Chambres de commerce). Les entreprises de l'ESS  contribuant, elles-mêmes, à cet impôt.  La taxe sur les salaires qui s'applique aux associations pourrait être aussi revue à la baisse pour alléger les charges qui pèsent sur les associations employeuse, selon l’Udes.  De même un Crédit d'impôt à l'innovation sociale pourrait soutenir le développement de l'ESS.  L'ensemble de ces solutions ne sont pas nouvelles. Mais elles restent pour l'heure à la porte des ministères et du débat parlementaire. Signe que l'ESS souffre encore d'une invisibilité de son rôle et de son utilité sociale aux yeux de l'Etat.

"Je crois pouvoir dire que nous aurons plus"

En attendant, le débat parlementaire a permis de faire remonter les curseurs budgétaires pour l'ESS et en particulier sur le fameux programme 305 qui était touché par la baisse de 5 millions (25 %) de ses crédit pour l'animation et la coordination territoriale de l'ESS. Toutefois, la perspective d'un budget adopter par la procédure de l'article 49-3 de la Constitution rend incertain le maintien de ces augmentations de crédit. En effet la procédure du 49-3 conduit à adopter la version initiale du texte sans prendre en compte les amendements. 

C'est ce qui a motivé l'ensemble des représentants d'ESS France continuer à faire voix commune dans un courrier adresser au Premier ministre, Michel Barnier, qui souligne l'enjeu de soutenir 'celles et ceux qui assurent "le premier kilomètre de l'intérêt général l'ESS". Lors du lancement du Mois de l'ESS le 4 novembre dernier, la ministre Marie-Agnès Poussier-Winsback a souhaiter rassurer avec prudence le secteur en expliquant : "je crois pouvoir dire que nous aurons plus, parce qu'il faut plus", 

 

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