Sept têtes de réseau de l'Insertion par l'activité économique (IAE) signent une tribune d'alerte, alors que le ministère du Travail devait produire une feuille de route dans les prochaines semaines.
Des chantiers d'insertion remis en cause
La tribune a été publiée le 6 juin, avant la dissolution de l'Assemblée nationale. Mais les inquiétudes qu'elle exprime restent d'actualité pour les sept réseaux de l'IAE qui l'ont cosignée (Le Mouvement des Régies de quartier, Emmaüs France, l'Union nationale des associations intermédiaires, le Réseau national des chantiers écoles, la Fédération des acteur de la solidarité, le Réseau cocagne le Coorace). L'inquiétude qui a déclenché cette mobilisation est la remise en cause à bas bruit du modèle des Ateliers chantiers d'insertion (ACI). Ces ACI remettent le pied à l'étrier de personnes très éloignées de l'emploi. Le modèle économique des ACI repose majoritairement sur les fonds publics car la loi leur impose de ne pas dépasser 30 % de leurs ressources provenant du revenu de leur activité économique. Depuis deux ans, " la circulaire qui fixe chaque année la ventilation du budget de l'Etat pour l'IAE a explicitement exclu le fléchage de financements pour le développement du modèle ACI ", explique Adrien Rivière, chargé de plaidoyer de Coorace, qui fédère 600 SIAE partout en France. Ce type de choix fait par l'administration, sans que la loi de finance ne demande ouvertement un tel arbitrage crée une grande insécurité qui poussent certains ACI à interrompre le parcours d'insertion de leurs salariés qui repartent dans la file du RSA.
Par ailleurs, les Fonds structurels européen pour l'IAE ont diminué de 10 % pour la France cette année. Et la lente réorganisation des organismes intermédiaire (ceux qui attribuent les fonds européen sur les territoires) réserve des surprises en fonction des départements : "Des associations apprennent ainsi, rétroactivement, qu’elles vont être amputées de centaines de milliers d’euros en cours d’année, créant de facto une situation de crise budgétaire souvent insoutenable", dit la tribune.
Les incompris des politiques de plein-emploi
Les coupes budgétaires entamées en début d'année touchent aussi l'IAE. Les signataires se considèrent "incompris de la politique du plein emploi" : " Nous sommes dans l'imagerie d'Epinal. Les pouvoirs publics continuent de penser que nous n'avons pas vraiment de modèle économique et que, quoiqu'il arrive avec nos financements, nous nous adapterons", explique Adrien Rivière. Et c'est vrai que les SIAE s'adaptent, mais elles atteignent aujourd'hui leurs limites car, au-delà des aléas et baisses de financement, les SIAE sont confrontées à d'autres problèmes.
Les entreprises d'insertion, tout comme les Associations intermédiaires ou les entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI), sont aussi des entreprises avec des clients et des obligations économiques et sociales. D'une part vis-à-vis de leurs salariés en insertion à qui elles doivent un accompagnement social et professionnel. Mais le profil de ces salariés évolue et les effectifs en insertion s'homogénéisent avec la baisse du chômage pour ne concerne que les personnes les plus éloignées de l'emploi. C'est une bonne nouvelle en soi, mais cela intensifie le travail d'accompagnement des SIAE dont les salariés cumulent désormais de multiples difficultés à traiter. Cette intensification ne va malheureusement pas avec le financement déjà insuffisant dans le passé des postes de conseillers en insertion sociale et professionnelle. D'autre part, le support économique de l'insertion qu'est l'activité est soumise, elle même, à ses aléas sectoriels. "On le voit sur le réemploi, qui est né avec l'IAE, et qui, aujourd'hui fait face à la concurrence d'acteurs économiques classiques", souligne Adrien Rivière.
L'IAE, à l'instar d'autres secteurs du soin et de la solidarité, fait face à plusieurs fronts. Et c'est la conjugaison de ces fronts qui fragilise progressivement tout l'écosystème qui a concouru depuis des années à la réussite des politiques d'insertion par l'activité économique. Depuis le Pacte d'Ambition IAE, promu en 2019 par Emmanuel Macron, l'Etat a quasiment doublé son budget pour l'IAE (de 0,8 à 1,5 milliards d'euros). Une augmentation qui poussé les SIAE à investir dans leur développement pour accueillir encore plus de salariés en insertion (300 000 aujourd'hui). Mais les réductions de budget et les politiques de stop and go des pouvoirs publics mettent à rude épreuve leur modèle : "Aucune entreprise ne peut piloter des investissements à l’aveugle des logiques budgétaires des financeurs demandeurs de ce développement structurel", disent les signataires de la tribune. La tribune des acteurs devait servir à influer sur la rédaction de la feuille de route ministérielle. Les prochaines échéances électorales vont a minima retarder le calendrier. Mais si les alternances politiques sont incertaines, les difficultés du secteur de l'IAE elles sont bien réelles et ne vont pas disparaitre.
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