L'ESS rappelle son engagement républicain face au risque d'une extrême droite majoritaire

17/06/2024
Benoît Hamon Bruno Lemaire ESS France

Durant la campagne législative éclair, la plupart des fédérations, collectifs de l'économie sociale et solidaire, jusqu'aux syndicats d'employeurs, annoncent se mobiliser pour défendre les libertés individuelles et collectives. Le Congrès de l'ESS, qui a reçu pour la première fois la visite d'un ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a été l'occasion de débattre de ces enjeux. Il s'est conclu par l'annonce d'une résolution votée à l'unanimité par les membres d'ESS France, confirmée après le premier tour par un appel à la "Mobilisation générale de l'ESS face à l'extrême droite".

Urgence démocratique

L'Uniopss, le Groupe SOS, le Collectif Alerte, la Mutualité française, ESS France, le Mouvement associatif, Hexopée, la Fédération des centres sociaux... La liste des prises de positions s'allonge chaque jours un peu plus et c'est un mouvement inédit qui s'empare des représentants de l'ESS. Déjà en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen éliminait Lionel Jospin du second tour de la Présidentielle, ces appels avaient résonné. Mais l'urgence démocratique est encore montée d'un degré alors que la perspective d'une victoire du Rassemblement national aux prochaines élections législatives n'a jamais été aussi proche. Le 25 Juin, ce sont l'ensemble des partenaires sociaux de la branche Eclat qui signaient un communiqué commun. Hexopée, côté employeurs, la CGT, l'Unsa, la FCDT et Solidaires y appellent unanimement à "voter contre les candidats d'extrême-droite".
Autre initiative orignale : la Chambre régionale de l'ESS Occitanie a publié un argumentaire illustré et repris par les autres Cress, expliquant ce qu'est l'ESS sur les territoires, et pourquoi l'extrême-droite menace cette économie pourvoyeuse de services aux habitants, d'esprit de solidarité et d'emplois non délocalisables 

Politique sans être partisan

Les acteurs de l'ESS, dans leur ensemble, affichent un refus des positions partisanes, ce qui conduit chacun à trouver les mots et nuances pour désigner la menace : "nous portons ensemble la conviction que la réponse n'est pas dans les propositions politiques prônent la préférence ou la priorité nationale", explique la Fédération des centres sociaux. Le Collectif Alerte (35 organisations de lutte contre la pauvretés et l'exclusion), affichent plus directement que "l'extrême droite est un danger pour les victimes de la pauvreté".

ESS France, dans une résolution, votée à l'unanimité de ses membres à l'occasion de son Congrès des 12 et 13 juin, estime que "le réflexe républicain de défense des libertés individuelles et collectives et de la lutte contre le racisme et l’antisémitisme doit primer sur toute autre considération." Dans une tribune, publiée dimanche 16 juin, le Mouvement associatif se pose en ennemi désigné : "Partout où les forces autoritaires ont accédé au pouvoir, elles n’ont eu de cesse de s’en prendre à la vie associative et celles et ceux qui font association."

Après les premier tour de scrutin, ESS France publiait une nouvelle déclaration alors que le Rassemblement national apparaissait comme le premier parti de France. L'appel à se mobiliser devait passer, selon la Chambre française de l'économie sociale et solidaire, par le désistement des candidats arrivé troisième s'il permet d'éviter l'élection d'un ou d'une députée RN en offrant l'opportunité aux électeurs de "se saisir du bulletin qui permettra de faire échec à l'extrême droite."

L'ESS une économie politique

Cette crise politique surgit au moment même où Benoît Hamon débute son mandat de président de la Chambre française de l'ESS avec la volonté de "politiser le plaidoyer de l'ESS". Lors du Congrès de l'ESS il avertit : "Nul ne doit se sentir à l'abri" pour ne pas focaliser le risque sur les associations d'aide aux migrants. Il explique : "Nous devions parler des imaginaires de l'ESS à long terme, nous devions parler de reformuler un rapport de force avec l'Etat pour arrêter d'être maltraité. Mais il va falloir nous concentrer sur ces enjeux de court terme. C'est une étape cruciale pour la suite qui sera de passer l'ESS à l'échelle (...) L'Assemblée générale a été unanime : nous ne pouvons rester l'arme au pied." La nature des actions reste encore à définir, mais il ajoute : "si le prochain gouvernement est dirigé par l'extrême-droite, nous risquons le plus gigantesque plan social que l'ESS ai connu."

Prendre sa part de responsabilité

Au-delà des appels à se mobiliser, le Congrès de l'ESS a été l'occasion d'ouvrir le débat des responsabilités envers ce "pays qui va mal", pour reprendre les mots de l' Appel du Pacte du pouvoir de vivre (regroupement d'organisations de la société civile organisée, des syndicats de salariés, aux fédérations associatives, organisations de défense de l'environnement...). Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif, constate, lors d'une plénière, "Il faut affronter plus fortement la question des inégalités. Nous avons intégré notre propre impuissance (or) nous sommes plus puissant qu'on ne le pense. Nous avons su montrer et dire que des problèmes étaient pas ou mal couverts et nous (les citoyens, ndlr) avons décidé de nous organiser. C'est du pouvoir d'agir ! "

Ce "nous" utilisé par Claire Thoury est probablement le premier terrain à reconquérir pour l'ESS et la société civile organisée. Cécile Duflot, directrice générale d'Oxfam France relève lors du même débat : " certains de nos donateurs n’ont pas apprécié que l’on appelle à se mobiliser contre l’extrême-droite ! Nous avons à prendre une part de la responsabilité de l’échec que cela représente." Frédéric Gilli, économiste et géographe, spécialiste des questions urbaines, résumera l'enjeu pour l'ESS : "Ecouter, comme disait Claude Alphandéry, mais écouter vraiment. Ecouter l’autre. Si on le fait, nous nous rendrons compte que le besoin d’utopie et de reconstruire des récits est à porté de main (...) Les utopies du XXIe siècle n’existent pas. Le problème est là."

 

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