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18/09/2023
espace médical blanc et vide et marqueur Ness

[DECRYPTAGE] L’ESS n’est pas LA solution aux désert médicaux, mais elle en est une. Et elle est trop peu sollicitée par les politiques publiques. Les associations, mutuelles et coopératives conjuguent pourtant la culture de l’intérêt général à une forte capacité à travailler l’amélioration de l’offre de soins de premier recours en pleine coopération avec l’ensemble des parties prenantes à l’échelle d’un territoire.

Laval, préfecture de la Mayenne, quartier Hilard à quelques encablures à peine du centre-ville… C’est au pied d’une tour, dans d’anciens appartements transformés en service médical de proximité que se trouve la seule chance pour nombre d’habitants sans médecin traitant de trouver une solution de suivi médical correct.
« Le service médical de proximité Henri-Dunant est animé par des médecins retraités et des internes et accueille des patients qui n’ont pas ou plus de médecin traitant sur le département », explique Etienne Le Mière, directeur de l’activité soins de VYV3 Pays de la Loire, qui développe ce concept de Service médical de proximité. Et l’on vient de loin dans le département pour consulter l’un des 16 médecins qui se relaient chaque jour. 13 médecins retraités et trois internes, réunis au sein de ce centre santé mutualiste atypique où le recours aux anciens est aussi un moyen d’attirer des nouveaux médecins sur le territoire (écouter notre podcast Une médecine générale, plusieurs générations de médecins).

RĂ©duire le manque de professionnels

Au cœur de la problématique, il y a le manque quantitatif de médecins. Depuis des décennies, on ne forme pas assez de médecins généralistes en France pour compenser le départ à la retraite des générations nées après-guerre. Et pourtant le nombre de médecins actifs augmente (+20 000 entre 2010 et 2023 selon le Conseil de l’Ordre). Mais le vieillissement de la population et l’aspiration des jeunes générations de médecins d’en finir avec les 70 heures de consultation par semaine pour mieux articuler vie privée et vie professionnelle, accroit le handicap de cette course contre la montre.

Aujourd’hui, ce sont 11 % des Français qui subissent les conséquences du manque de médecin généraliste : difficulté à obtenir un rendez-vous, suivi délicat pour des pathologies chroniques, impossibilité de déclarer un médecin traitant… (en savoir plus sur ce chiffre clé). Et près d’un français sur cinq (18 %) connait une difficulté d’accès aux soins (accès aux généralistes, à une pharmacie ou à un service d’urgence) selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la Santé.

Ces moyennes masquent par ailleurs de grandes disparités territoriales que l’on peut résumer schématiquement : aux métropoles l’abondance, aux territoires ruraux et suburbains la disette. L’accessibilité des soins suit la courbe des inégalités sociales et territoriales. Alors si le problème quantitatif ne trouvera de solution que dans les politiques de formation, l’ESS joue un rôle pour améliorer les conditions d’accessibilité sociale et territoriale aux soins de premier recours.

Accessibilité sociale

Sur le plan social, l’ESS au travers principalement d’associations et de centres de santé mutualistes, « abonde l’offre de soins conventionnés dits de secteur 1 » comme le rappel Romain Guerry, référent Santé au Labo de l’ESS, dans notre podcast expert
« Comment l’ESS peut-elle faire reculer les déserts médicaux ? ». Des soins facturés sans dépassement d’honoraire au patient et donc remboursés, quand le tiers payant n’est pas totalement assuré.
Ces centres, où les médecins sont salariés, ont même la capacité de suivre des patients atteints de pathologies chroniques multiples en leur sein par la coopération entre médecins spécialistes. Une démarche globale facilitée depuis que certains de ces centres sont sortis du financement à l’acte par la sécurité sociale pour être financés au forfait. Toutefois l’accessibilité sociale a un coût pour la collectivité qui n’est plus toujours suffisamment assumé par les partenaires de ces centres de soins associatifs dont beaucoup se trouvent aujourd’hui en difficulté rappelle, aussi, Romain Guerry.

Territoire de santé

A Laval, le SMP Henri Dunant est un centre de santé géré par VYV3, la branche accompagnement et soin du groupe mutualiste VYV (Harmonie Mutuelle, MGEN, MNT…). VYV3 apporte son ingénierie, son expertise en santé au projet qui est le fruit d’une coopération avec les collectivités territoriales, l’Ordre des médecins du département, l’Agence régionale de santé…
« Nous apportons chacun une part du financement, hors des recettes de la Caisse primaire d’assurance maladie, pour que les médecins retraités soient sur leur cœur de métier qui est la consultation », explique Etienne Le Mière. Cet ancrage territorial est au cœur des modèles mutualistes et associatifs. Un atout à faire valoir au moment où les collectivités, (villes, agglomérations, départements) ont compris que l’offre de santé est non seulement un enjeu de cohésion sociale, mais aussi d’attractivité territoriale.
Tout l’inverse des « vrais-faux » centres de santĂ© franchisĂ©s tels qu’Alliance vision, sur la sellette pour des surfacturations de soins et dĂ©conventionnĂ©s rĂ©cemment par l’Assurance maladie .

Acteur du soin ou de la santé ?

Sans s’y opposer les Centres de soins marquent leur différence avec les Maisons de santé, qui associent des médecins libéraux en un lieu mutualisé pour renforcer l’offre de soins par le regroupement de professionnels de santé. Par exemple… Si des médecins qui avaient exercé en cabinet libéral pendant 40 ans ont été d’accord pour se lancer dans l’aventure du SMP Henri Dunant à Laval (deux autres se sont créés au Mans et à Cholet), c’est bien parce qu’ils en étaient salariés et, à ce titre, étaient libérés de toute tâche de gestion administrative pour se concentrer sur le suivi des patients.
Une autre forme issue de l’ESS commence aussi à émerger, celle des centres de soins coopératifs, plus précisément optant pour le statut de Société coopérative d’intérêt collectif (Scic). C’est le statut choisi par La Place Santé, un centre de santé communautaire né sous statut associatif à Saint-Denis. Le principe : renouveler en profondeur la pratique professionnelle du médecin généraliste qui, au lieu d’appréhender la seule pathologie du patient, prend en compte l’ensemble de son environnement et notamment social pour apporter une réponse globale. Un concept parfaitement expliqué par Didier Ménard dans notre podcast « Aller vers le patient… le versant caché de l’accès aux soins made in ESS ». Ce dernier a créé le centre de Saint-Denis il y a trente ans. L’un des principes fort de son action est d’associer la population à la production de l’offre de soins. Non pas pour qu’elle soigne, mais pour qu’elle devienne actrice de sa santé. Didier Ménard raconte notamment comment la mobilisation de patientes, conscientes que l’utilisation du vélo pour leur déplacement était bonne pour leur santé, a interpellé les élus afin de créer l’infrastructure cyclable adéquate dans leur quartier des Francs-Moisins.
Le Centre de santé est devenu Scic afin d’intégrer à sa gouvernance médecins, habitants et collectivités et produire, dans le respect du secret médical et de ce qu’on appelle le dialogue singulier entre le médecin et le patient, une offre de santé plus efficace à la collectivité.
Ce statut Scic parait prometteur afin de construire les solutions pour une santé territoriale adaptée aux enjeux sociétaux du vieillissement, tout comme pour sortir du désert des territoires ruraux ou des quartiers populaires.
Car si l’augmentation du nombre de médecins est indispensable à la réduction des déserts médicaux, elle ne répondra pas à tous les enjeux d’égalité d’accès aux soins que ce soit sur un plan géographique ou financier. La régulation de l’installation des médecins sur les territoires prioritaires par la loi continue de faire débat dans la sphère politique. Quel qu’en soit l’issue, la lutte contre les déserts médicaux ne pourra se passer de la coopération territoriale qui démontre, là où elle s’exprime, son efficacité à déployer des solutions innovantes, concertées et donc adaptées aux besoins en santé. Il parait donc difficile de se passer du potentiel d’acteurs économiques qui mettent l’intérêt général en tête de leurs priorités.

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